pointilleux, auxquels la part de leurs confrères semble toujours un peu excessive.
Les scènes de genre disposent de plus de liberté. Une centaine de pièces par an sont présentées au Palais-Royal ou aux Nouveautés ; les deux tiers signées de noms absolument inconnus. Sur une moyenne de trente manuscrits « possibles, » quatre ou cinq sont choisis, qui défraieront la saison. Cette sélection ne va pas sans erreurs ; Ici ouvrage, refusé par un directeur, est pour un autre l’occasion d’un gros succès. Dédaigné dans les principaux théâtres, l’auteur se rabat sur Cluny, puis sur Déjazet. Quelquefois son manuscrit revient tenter une seconde épreuve ; il l’offre sous un nouveau titre, lorsqu’il espère qu’on l’aura oublié.
Sous un nouveau titre reparaissent aussi, mais plus rarement, devant la censure, les œuvres auxquelles elle a refusé son visa ; car la censure existe toujours, bien qu’elle ne fasse pas beaucoup parler d’elle. Huit ou dix jours avant d’être soumise à l’appréciation du public, la pièce nouvelle doit être envoyée, en double exemplaire, à la « commission d’examen » qui dépend de la direction des Beaux-Arts Elle se compose de quatre « inspecteurs des théâtres, » qui donnent leur laissez-passer après lecture des manuscrits. Si quelque mot, quelque phrase, leur paraissent choquans, ils font venir le directeur et en demandent courtoisement la suppression. L’auteur, qui tient à son texte, discute, se défend, fait des concessions et en obtient : il est rare que le différend ne se termine pas à l’amiable.
Nous sommes loin du temps où Beaumarchais se plaignait d’avoir fait inutilement, pour obtenir la libre représentation du Barbier de Séville, cinquante-neuf courses à l’hôtel du lieutenant général de police ; car la censure dramatique s’est fréquemment déplacée dans le passé : de la cour à l’archevêché, au parlement, à l’hôtel de ville et enfin au ministère. Depuis l’époque où elle interdisait la tragédie de Bélisaire, sous Napoléon Ier, parce qu’on craignait que Bélisaire ne fût pris pour le général Moreau, et la même tragédie, sous Louis XVIII, parce qu’on redouta que Bélisaire ne fût pris pour Napoléon, jusqu’à la République actuelle, la censure, bien que conservée en principe,