une âme noble, la grande Foi au Christ. Adieu, je vous embrasse avec cordialité et suis bien affectueusement vôtre.
Göttingen, 21 juillet 1882,
Mon cher ami,
Votre dernière lettre, adressée à Berlin, est venue me rejoindre à Göttingen. J’ai quitté le 14, après dix semaines de séjour, la capitale du jeune Empire allemand. Je suis très satisfait de ce qu’il m’a été donné d’étudier, d’observer, dans ce grand foyer de la vie allemande. J’ai été mêlé de près à la vie réelle des étudians ; j’ai assisté non seulement aux cours de l’Université, mais à leurs réunions privées ; j’ai bu avec eux la bière ; et j’ai pu, grâce à ce commerce intime, saisir sur le vif les mœurs et les sentimens, le caractère et les idées philosophiques et religieuses de la jeunesse lettrée.
A mon avis, l’Allemagne est un peuple resté très jeune. Le scepticisme n’a pas encore entamé cette race blonde. Chose étrange ! Je trouve ce pays protestant plus religieux que nos pays latins, catholiques de nom, sceptiques de fait. Les mœurs y sont faciles,… très faciles, mais sans aucun raffinement de vice. Jusque dans leurs dérèglemens et leurs faiblesses, les Allemands me semblent jeunes. Grâce à leurs Universités, ils sont aussi beaucoup plus instruits que nous ; et leur science religieuse, historique, critique, est sans comparaison la plus développée qui existe aujourd’hui dans la civilisation moderne.
J’ai trouvé à Berlin un accueil très aimable (et très ouvert auprès des étudians. Cinq sont venus, le jour de mon départ, m’accompagner à la gare et me saluer pour la dernière fois. Je n’étais, pour eux, qu’un anonyme, mais j’ai su, par mes conversations philosophiques, morales et religieuses, gagner leur confiance.
Me voici, depuis vendredi, à Göttingen, dans le Hanovre. J’ai voulu, après mon séjour à Berlin, voir de près une petite ville allemande. Göttingen est une ville de 25 000 habitans. Elle n’a de célèbre que son histoire très belliqueuse et son Université très vivante.
La petite cité hanovrienne a perdu son caractère guerrier : les remparts ont été détruits et remplacés par des jardins. Le chemin de ronde des sentinelles armées est une promenade