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l’unité du mal sous la diversité de ses apparences. La fièvre n’en est que le symptôme dominant. Il peut manquer. Robert Koch, le célèbre bactériologiste allemand, qui a récemment étudié les foyers palustres de l’Afrique orientale et des Indes néerlandaises, a signalé la fréquence de ces « types latens. » Dans ces pays, un grand nombre d’enfans indigènes sont ainsi profondément atteints sans que la fièvre habituelle révèle le mal. Il en est de même en Corse, selon M. Laveran, et aussi en Italie. L’affection ne se trahit, chez ces enfans, que par ses conséquences chroniques, le grossissement de la rate, l’anémie profonde, l’altération du sang, et finalement la déchéance physiologique, qui les livre, sans résistance, à toutes les maladies intercurrentes. Ils grandissent peu, ne se développent que misérablement, et conservent pendant toute leur courte existence l’apparence d’avortons souffreteux. L’examen microscopique de leur sang éclaire le médecin sur les causes de leur triste situation : c’est le paludisme. On en retrouve, dans leur sang, l’agent parasitaire. — Chez l’adulte lui-même, lorsqu’il reste exposé à la répétition des mêmes accidens, le même état chronique s’établit bientôt avec des conséquences pareilles : l’anémie profonde, la tuméfaction du foie et surtout de la rate, la coloration noirâtre (mélanose) de ces organes par un pigment issu du sang et que l’on a appelé la mélanine. A l’autopsie, le même dépôt foncé s’observe dans les reins, le cœur et le cerveau.

Le paludisme peut donc être aigu ou chronique ; à marche rapide ou lente, bruyante ou silencieuse ; il peut emprunter beaucoup de déguisemens. Pour le démasquer, il y a plusieurs ressources. Elles sont offertes, entre autres, par l’examen des circonstances de lieu et par Fessai des médicamens. Si le cas se produit dans un foyer de paludisme, il y a déjà présomption : si les médications héroïques par la quinine et l’arsenic en ont raison, la présomption devient certitude. Le paludisme est, en général, justiciable de la quinine : d’où le nom de « fièvres à quinquina » qu’emploient encore quelques médecins. Mais, à défaut de tous ces signes, il y en a un qui est décisif : c’est la présence dans le sang de l’animalcule spécifique qui en est la cause et l’agent, l’hématozoaire du paludisme. On sait, en effet, depuis l’importante découverte de M. Laveran, en 1880, que le paludisme est une maladie infectieuse déterminée par la pullulation dans le sang de parasites spéciaux : les hématozoaires de