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VI

Comparés avec ceux des salles similaires de l’étranger, les prix de Paris sont supérieurs à ceux de Vienne et de Berlin, inférieurs à ceux de Londres et de New-York. Mais, comme l’ensemble des recettes théâtrales n’a pas diminué, — au contraire, — il ne semble pas que l’attrait du public pour ce divertissement ait faibli. Il est vrai que, dans le produit global des spectacles parisiens, figurent nombre d’ « Alcazars, » d’« Eldorados, » d’ « Edens, » de « Folies, » de « Gaîtés, » de « Divans, » répandus un peu partout, où il n’outre pas énormément de littérature. Les plus notables encaissent de belles sommes : 1 300 000 fr. aux Folies-Bergère, 900 000 francs à l’Olympia, 650 000 francs au Casino de Paris.

Là, suivant les quartiers, l’ouvrier, l’employé, le bourgeois, le flâneur de toutes professions est, moyennant une ou deux pièces de vingt sous, aussi diverti qu’un empereur des Mille et Une Nuits au comble de la puissance, de la magnificence et de l’oisiveté. Et que peut désirer un homme raisonnable en ce monde, sinon d’être cet empereur, ne fût-ce que par cotisation et durant trois heures par jour ? Notre démocratie devait, suivant une pente fatale, posséder un divertissement à la mesure de ses goûts, de son intelligence et de ses ressources, comme elle a des journaux, des romans, des objets de luxe et des hommes d’Etat d’un niveau et d’une valeur limités.

Les théâtres, grands et petits, font cependant beaucoup plus d’argent que naguère : à l’Opéra, sous Louis XVI, 3 000 francs étaient une bonne recette ; la somme encaissée, en un mois d’hiver de l’année 1783, était de 47 000 francs, avec un maximum de 5 169 francs et un minimum de 800 francs. Aujourd’hui, le maximum est de 23 000 francs et la moyenne de 16 800 francs Aux Français, il y a cent ans, les mauvaises soirées étaient de 800 francs en été, de 1200 en hiver ; actuellement, quand une pièce n’atteint pas 3 800 francs, on la supprime, parce qu’on estime qu’elle ne fait pas les frais, et la moyenne y est en effet de 5 000 francs par représentation. Les recettes n’ont grossi, à la Comédie-Française, qu’avec la nomination d’un administrateur, en 1850, succédant au « commissaire royal. » Au temps de Samson, de Beauvallet, de Mme Allan, il y avait tel jour où la salle