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dans tous les cas, ils ne tarderaient pas à comprendre ce que l’intérêt de leurs collections commande.

Encore une fois, disons, pour éviter les malentendus, qu’il n’est pas question de fermer nos galeries nationales du Louvre et du Luxembourg, par exemple, au contribuable. Deux jours par semaine, au moins, le système de la gratuité continuerait à être appliqué, le jeudi et le dimanche. N’est-ce pas surtout le dimanche que l’ouvrier est libre, le dimanche que le petit employé peut disposer de ses après-midi ? Le jeudi est jour de vacances pour les enfans, et aussi le dimanche. Ces deux journées-là seraient donc réservées au visiteur qui ne pourrait pas payer, et aussi à celui qui ne le voudrait pas. En dehors même du jeudi et du dimanche, — et d’un troisième jour, s’il le fallait, — l’artisan qui serait appelé dans un musée pourrait également y pénétrer avec la carte d’entrée, permanente et personnelle, que l’Administration lui aurait délivrée gratuitement, sur une demande dûment légitimée. Tout artiste, tout écrivain, tout membre d’une société artistique, tout ouvrier d’art, allons plus loin, tout ouvrier syndiqué ou membre d’une grande association ouvrière, aurait droit à cette carte d’entrée. Il est juste que nos collections s’ouvrent, sans difficulté d’aucune sorte, devant quiconque y a des droits établis. Il ne s’agit d’en faire payer l’accès qu’aux flâneurs, qui les encombrent sans utilité, et aux visiteurs étrangers de passage, qui ne se gendarment point, parce qu’on les fait payer ailleurs et qui n’y trouveraient rien à redire ici.

Nous nous garderons de répéter les lieux communs sur les « bandes » de touristes qui tiennent le Louvre pour un pays conquis, mais pouvons-nous ne pas constater que c’est à l’aide seulement de lieux communs qu’on a combattu le droit d’entrée, à la tribune du Parlement ou devant la Commission du budget ? La nécessité de faire quelque chose apparaît aujourd’hui aux moins clairvoyans. Il importe donc qu’on ne tarde pas davantage, en sauvegardant, — c’est entendu, — ce qu’on doit sauvegarder de nos traditions hospitalières, mais sans perdre de vue l’intérêt supérieur à tout des musées nationaux français.


HENRY LAPAUZE.