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où certains patrons demandent de préférence des « femmes qui soupent, » annonçant volontiers qu’ils passeront sur leurs imperfections vocales. Ils ne sont pas plus exigeans pour les talens chorégraphiques des Taglioni d’occasion qui dansent deux ballets par jour.

Nous descendons ainsi, du « beuglant » à refrains tendres ou patriotiques, jusqu’au dernier degré de l’échelle : le café-chantant où l’on fait la quête « au profit de la direction. » Une agence spéciale en recrute le personnel parmi les ouvrières sans travail, suffisamment jeunes et pas trop laides. On leur fait apprendre sept ou huit chansons, qu’elles répètent en chœur ; après quoi, mûres pour la carrière lyrique, on les expédie à la clientèle suivant les besoins. Leur émolument moyen est de 180 francs par mois ; mais il est absorbé en grande partie par le logement et la nourriture, qu’elles sont tenues de prendre dans « la maison. » Nous voici bien éloignés de l’art dramatique ; nous abordons le chapitre de la « limonade » et nous touchons à la traite des blanches. Du théâtre, il ne reste désormais que les tréteaux.


Vte G. D’AVENEL.