Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voie de l’expansion coloniale, ou, comme on dit dans les pays anglo-saxons, de l’impérialisme. La portée de ce fait égale peut-être, pour le monde entier, celle de la fondation même de l’Union et de la guerre civile qui faillit la briser.


I

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis agrandissent leur territoire ; ils l’avaient fait à bien des reprises déjà ; on peut même dire qu’ils n’avaient cessé de s’étendre, à intervalles passablement rapprochés, depuis leur constitution : l’achat de la Louisiane en 1803, celui de la Floride en 1819, la réunion du Texas en 1845, l’annexion du Nouveau-Mexique et de la Californie aux dépens de leurs voisins du Sud en 1848, avaient triplé leur étendue initiale et porté jusqu’au Grand Océan des frontières, qui, à l’origine, ne dépassaient pas le Mississipi et touchaient à peine au golfe du Mexique. Dès le milieu du XIXe siècle, se trouvait ainsi unie sous le drapeau étoile l’imposante et compacte masse de territoire, quinze fois grande comme la France qui, d’un Océan à l’autre, englobe presque toute la zone tempérée de l’Amérique du Nord. Les États-Unis ne s’en étaient pas longtemps tenus là. En 1867, à peine sortis de l’effroyable guerre civile où ils avaient manqué se briser, ils achetaient aux Russes l’Alaska, s’annexant, pour la première fois, un pays qui ne leur était pas contigu ; mais, du moins, ce pays faisait encore partie de l’Amérique du Nord, terrain naturel de leur développement : il n’était séparé d’eux que par le Canada et l’opinion générale inclinait alors à penser que cette dernière contrée devait nécessairement, un jour ou l’autre, entrer, elle aussi, dans l’Union qui comprendrait ainsi, sans exception, toutes les régions tempérées ou froides de l’Amérique septentrionale.

Toutefois, depuis 1867, les États-Unis étaient demeurés trente ans sans s’étendre à nouveau et il s’était fait un sensible changement dans les idées régnantes au sujet de leur expansion future. Depuis que les diverses provinces canadiennes s’étaient confédérées ; qu’un chemin de fer transcontinental en avait augmenté la cohésion, que l’antagonisme entre les Canadiens de race française et de race anglaise s’était atténué, on croyait de moins en moins à l’absorption prochaine du Canada dans l’Union. Pour