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maux. Obéir, c’était le rôle et l’honneur de la nation tout entière et de chacun des sujets.

Un homme qui avait été ministre, et qui espérait le redevenir bientôt, n’avait, d’ailleurs, qu’à se féliciter du respect extraordinaire dont l’autorité royale était entourée. Car, disposant de cette autorité, il avait en mains une puissance sans pareille pour l’exécution de ses desseins.

Le pivot d’une vie politique étant la confiance du Roi, le premier art de la politique était l’art de la faveur. Epernon sous Henri III, Sully sous Henri IV, Concini sous la Reine-régente, Luynes depuis quelques années, tels étaient les exemples les plus récens livrés aux méditations des courtisans. Or, ces hommes avaient dû la faveur dont ils avaient joui à leurs défauts plus encore peut-être qu’à leurs qualités : d’Epernon à son insolence, Sully à son humeur, Concini à son audace, Luynes à sa douceur hypocrite. Tant cet art est difficile !

Cependant, Richelieu, au moment où il se sentait le plus éloigné de la faveur de Roi, avait, en lui, une sorte de fierté qui le poussait à ne vouloir la conquérir que par ses mérites réels et par l’évidence de sa supériorité. Chemin dangereux ; entreprise téméraire, mais qui, si elle réussissait, pouvait fixer la faveur pour toute une vie.

Donc, l’évêque était dans la nécessité d’avoir toujours raison. Il fallait qu’il eût raison si fortement que l’attention d’un homme aussi ordinaire que Louis XIII fût frappée. En outre, il devait avoir toujours raison dans le sens royal. L’intérêt royal devait être la ligne de conduite unique et imperturbable du ministre. Il fallait qu’il fût la raison d’Etat incarnée pour devenir l’homme de l’Etat, et ainsi, bon gré mal gré, l’homme du Roi.

Ainsi ses idées se précisaient, et il dégageait, de l’ensemble des circonstances où il vivait et des complexités de cette année 1621, les trois grands desseins dont la réalisation devait occuper son ministère : réduire les Grands, détruire la puissance politique des Huguenots, abattre la Maison d’Espagne. Laissons-le parler lui-même : « Lorsque Votre Majesté se résolut de me donner, en même temps, et l’entrée de ses Conseils et grande part en sa confiance…, je lui promis d’employer toute mon industrie et toute l’autorité qu’il lui plaisait me donner pour ruiner le parti huguenot, rabaisser l’orgueil des Grands et relever son nom dans les puissances étrangères au point où il devait