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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/854

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premières, leur subordonnait les autres, ordonnait, d’avance, dans sa pensée, les exécutions et les succès ; il classait, sériait, combinait, et passait tant d’idées diverses au crible du bon sens et de la réflexion.

Il se disait, tout d’abord, que la pire des solutions, c’était l’inaction. Si l’on ne va pas au-devant des événemens, ils marchent sur vous et vous surprennent. Or, au point où en étaient les choses, en France et en Europe, 1ère des tergiversations était close. Luynes même avait dû prendre parti. Tout autre, à sa place, eût dû se prononcer.

La France ne pouvait se désintéresser du grand conflit qui divisait l’Europe. S’il se terminait sans elle, il se résoudrait contre elle. Les coalitions la menacent toujours. Sa situation est telle qu’elle ne peut rester indéfiniment dans l’abstention. Mais, d’autre part, cette même situation lui impose une autre règle de conduite : elle ne doit s’attacher absolument à aucun système général de politique européenne, parce qu’un succès ou un revers absolu lui serait également funeste. De toutes les puissances européennes, elle est la mieux située et la plus exposée. Il faut donc quelle sache, à la fois, se donner et se retenir, se livrer et se réserver. La politique d’équilibre est, essentiellement, la politique française.

Ce sont ces principes qui guident Richelieu. La France n’est pas le champion de la cause catholique ; elle n’est pas le champion de la cause protestante. Pourquoi assumerait-elle l’un ou l’autre rôle ? La sagesse d’un homme d’Etat doit consister à saisir, dans l’un ou l’autre système, tout ce qui peut servir à ses vues et à ses intérêts.

La lutte contre la Maison d’Espagne, qui est sa pensée dominante, prouvera qu’il n’entend nullement faire, par sa politique ou par ses armes, œuvre de religion ; la lutte contre les protestans à l’intérieur fournirait, au besoin, la même preuve en sens contraire. Si on l’accuse de favoriser les protestans, il prendra La Rochelle ; si on l’accuse de persécuter les hérétiques, il se proclamera l’allié du Palatin, des Pays-Bas et de la Suède. D’ailleurs, il ne s’agit pas de répondre à de vaines objections. Pour cette besogne, on trouvera toujours des plumes dévouées ; il s’agit des destinées du pays.

Dans la passe redoutable où la France est engagée, elle a besoin de toutes ses forces et de toute sa prudence pour parer à