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Je mets la dernière main à mon travail sur les Allemands. Quand vous rentrerez au mois d’octobre, nous le lirons ensemble, si vous le voulez, et j’écouterai docilement vos critiques d’ami ; quand mon petit volume aura passé par vos mains, ce sera peut-être un petit chef-d’œuvre.

Paris est désert. J’y travaille en paix comme dans une solitude profonde : quel dommage que le silence ne remplisse pas cette ville dépeuplée ! Je prie pour vous, mon ami, de toute mon âme, et il me semble que Dieu m’a mis sur votre chemin pour vous conduire à Lui. Vous serez ma plus douce, ma plus noble conquête. Dans mes épreuves prolongées, j’ai toujours eu, sans vous le dire, un regard, une pensée ardente pour vous.

Adieu, je suis heureux des nouvelles que vous me donnez de votre femme et de vos filles. Dites-leur mon affection profonde. En aimant le père, j’aime la mère et les enfans. Je vous embrasse avec toute ma tendresse.

Un bon souvenir au vaillant colonel et à M. D…


29 avril 1884.

Mon cher ami,

Je vous envoie ces quelques lignes du tombeau de ma mère où je viens de prier. Vous qui avez eu, comme moi, une mère héroïque et qui avez reçu d’elle, comme moi, le meilleur de votre âme, vous partagerez toutes mes émotions et vous aimerez ce simple souvenir que je vous adresse de mes montagnes.

Je me sens toujours meilleur ici, en vivant plus ardemment de mes souvenirs. Je repasse par les mêmes chemins que suivait ma mère, je vois la place où elle s’agenouillait à l’église. Je regarde ces rochers qu’elle aimait, et je retrouve sa grande âme partout.

Je compte rentrer à Paris dans une dizaine de jours et vous revoir de mardi en huit. Le changement d’air me renouvelle à fond, et je respire avec enivrement l’air de mes bois et de mes Alpes.

Adieu, mon cher ami, je vous serre les mains avec tendresse et je caresse l’espérance de vous amener un jour ici dans ce petit cimetière où donnent les miens et… non pas pour y