Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/87

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’admirables bases d’opérations pour ou contre eux-mêmes, suivant qu’elles seraient entre les mains d’amis ou d’ennemis. Les grandes Antilles possèdent, d’ailleurs, une valeur intrinsèque ; elles ont de vastes ressources ; elles deviendraient extrêmement riches entre les mains d’hommes qui sauraient les mettre en valeur. En outre, Cuba, la principale d’entre elles, a montré, à plusieurs reprises, qu’elle était mécontente de son sort, qu’elle aspirait à secouer le joug de l’Espagne. Voilà bien des motifs divers pour intéresser les Etats-Unis aux choses du dehors, négligées depuis la guerre civile, pour réveiller leurs vieilles visées sur les Antilles, qui se trouvent solidaires maintenant de leurs nouvelles ambitions dans le Pacifique, où il est bien légitime qu’ils veuillent tenir un rôle, où ils en ont joué un déjà, puisque ce sont eux qui, naguère, ont forcé le Japon à ouvrir ses portes aux Occidentaux.

Des raisons d’ordre plus général encore préparent le terrain et disposent l’opinion à voir d’un bon œil la puissance américaine s’affirmer au dehors. L’œuvre de mise en valeur du territoire de l’Union s’avance ; non qu’il ne reste beaucoup à faire ; mais la phase initiale du développement des richesses naturelles, celle où l’homme les prend tout à fait brutes pour leur faire subir une première exploitation, cette phase qui est à la fois la plus rude, la plus absorbante, et souvent la plus profitable, est sur le point de se terminer. Les esprits les plus aventureux peuvent être tentés de regretter la fin de cette première période de contact entre l’homme et la nature, de chercher si l’on ne pourrait en retrouver ailleurs les gros bénéfices et les fortes émotions. Ce peuple, qui avait consacré toute son énergie à sa tache de développement intérieur, va pouvoir respirer et regarder autour de lui. Il a maintenant de la force disponible pour une action éventuelle à l’extérieur ; il ne s’y refusera plus de parti pris, si l’occasion s’en présente.

En outre, l’extrême fin du XIXe siècle voit naître un de ces mouvemens d’idées ou de sentimens universels, comme il s’en produit de temps à autre. Cette fois, le phénomène qu’on observe chez tous les peuples, c’est une intensité plus grande du sentiment national, une tendance à affirmer énergiquement leur individualité et leur puissance. Cette tendance revêt deux formes, auxquelles correspondent deux noms : chez les peuples opprimés ou meurtris, chez ceux qu’afflige encore le souvenir de