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diagnostic doit se fonder, tout entier, sur des signes fortuits et toujours douteux. Puis, le diagnostic établi, restent à trouver les remèdes.

Il y en a une dizaine, pour chaque maladie : des remèdes dont chacun se recommande d’autorités sérieuses, et qui, cependant, se contredisent l’un l’autre. Lequel choisir ? A quoi se fier ? Se fier à l’expérience des maîtres ? Jamais les maîtres n’ont pu s’accorder sur rien. Se lier a son expérience personnelle ? On voit trop ce qu’une telle entreprise a d’irréalisable.

Ainsi résumée en quelques lignes, la pensée de l’auteur risque de paraître un peu superficielle. Et je ne prétends pas qu’elle ne le soit pas un peu, même dans le texte : mais elle y a l’avantage d’être vivante, avec un douloureux accent de sincérité. On sent, à chaque ligne, que l’auteur s’est adressé à lui-même, en présence des réalités de la vie quotidienne, les tristes réflexions dont il nous fait part. On sent que les émouvans récits dont il entremêle son argumentation ne sont pas, simplement, des exemples inventés à plaisir. Dans des circonstances peut-être différentes, il a dû, lui-même, éprouver des angoisses, des doutes, des remords, pareils à ceux qu’éprouve le héros de son livre. Et l’on devine sans peine que lui aussi, comme son héros, il a eu besoin d’un effort prolongé pour ne pas succomber au découragement.


Le fait est, pourtant, qu’il n’y a point succombé. Et si quelques-unes de ses autres études manquent de conclusion, celle-là, au contraire, en a une, très claire, très éloquente, et probablement très vraie. Pour l’auteur des Mémoires d’un Médecin, la médecine d’à présent, en tant que science, reste encore très incomplète et très incertaine ; mais c’est que la médecine, bien plus qu’une science, est un art. Elle est un art indéfinissable, constitué de mille élémens divers : un art qui varie d’après chaque médecin, de même qu’il doit varier d’après chaque malade ; un art qui, tout en s’appuyant sur l’expérience acquise, laisse une part prépondérante à l’inspiration personnelle ; un art dans le développement duquel l’observation morale tient au moins autant de place que l’observation matérielle ; un art qui a d’autant plus de chances d’être efficace qu’il s’accompagne de plus de compassion et de charité.

Aussi le docteur Veressaïef, après nous avoir avoué les misères de la médecine, n’est-il ensuite que plus à l’aise pour nous en vanter la grandeur. Il nous dit tout ce qu’elle exige de patience, de résignation, souvent d’héroïsme, mais, en revanche, tout le bien qu’elle peut faire