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homme qu’elle ne connaît pas bien encore. » Mais, à bout de ressources, il s’incline. Il propose donc, lui-même, au Roi, l’entrée de Richelieu dans le Conseil. Il est vrai qu’il essaya encore de restreindre l’autorité du cardinal. Celui-ci n’assisterait au Conseil que « pour donner son avis. » C’est prodigieux à quel point la fatuité politique affole des gens qui, d’ailleurs, ne sont pas inintelligens !

Richelieu se fit prier. Alléguant, surtout, sa mauvaise santé, il exposa au Roi, dans une lettre très forte, la gravité de la résolution qui allait être prise et les conséquences qui devaient s’ensuivre. Le cardinal n’entendait pas être nommé pour faire nombre. Il savait qu’il aurait des résolutions importantes à prendre, qu’il « allait déplaire au tiers et au quart ; » il se ferait de nombreux ennemis. Le Roi, « qui avait eu quelque ombrage de lui dans le passé, » se déciderait-il à le soutenir toujours et quand même ?… « Si, nonobstant ses considérations, Sa Majesté s’affermit en sa résolution, le cardinal ne peut avoir d’autre réplique que l’obéissance. Seulement, il supplie Sa Majesté d’avoir agréable que vaquant, concurremment avec ceux de son Conseil, aux affaires qui concernent le général de son État, il soit délivré des visites et sollicitations des particuliers qui, faisant consommer inutilement le temps qu’on doit employer à son service, achèveraient de ruiner entièrement sa santé ; et, de plus, que, comme il entre en cette fonction sans la rechercher ni la désirer, mais par pure obéissance, Sa Majesté sache qu’il n’aura ni ne peut avoir d’autres desseins que la prospérité et la grandeur de son État, et soit si ferme en cette croyance véritable que le cardinal soit assuré que tous les artifices des malins ne pourront avoir aucune force auprès de Sa Majesté au préjudice de sa sincérité. »

C’était une sorte d’engagement d’honneur qu’il demandait personnellement au Roi. La « tyrannie » commençait. Il fallut écouter ces observations si fières pour un sujet, et en passer par ses conditions. La Vieuville, lui-même, était pressé d’en finir. Le 29 avril 1624, le cardinal de Richelieu prit séance dans le conseil du Roi.

Finissons-en avec La Vieuville. Il se félicitait d’avoir fait entrer Richelieu par la petite porte.

Le lendemain, par un coup inattendu et qu’il avait longuement préparé, celui-ci, rappelant le précédent qui avait été jugé, du temps de Sillery, en faveur du cardinal de La Rochefoucauld,