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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/372

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« Je me lève, écrit Guizot à Mme de Liéven, le 1er septembre, j’ai bien dormi. J’étais fatigué, hier soir. Je dors dans ma voiture comme il y a vingt ans et ma voiture est beaucoup meilleure qu’il y a vingt ans. Mais j’ai vingt ans de plus. Je suis très reposé ce matin.

« La reine ira-t-elle à Paris ? That is the question. Personne n’en sait rien. Sébastiani, qui est arrivé hier de Londres, dit oui. La reine des Belges persiste à dire non. En tout cas, le Roi le lui proposera et insistera. C’est mon avis comme le sien. Nous en tremblons pourtant. Des cris de polissons, un coup de scélérat, tout est possible en ce temps et de notre temps. Nous avons fini hier, le Roi et moi, par nous troubler beaucoup l’un et l’autre en en parlant. Cependant la conclusion est restée la même. Il faut proposer et insister convenablement. Si elle ne veut pas, c’est bien ; si elle veut, nous ferons comme si nous ne craignions rien, et tout ira bien.

« Si elle veut, le Roi lui offrira deux logemens : Saint-Cloud ou les Tuileries, à son choix. Aux Tuileries, l’appartement de la Duchesse de Nemours, en y joignant celui de la reine des Belges qui y touche. Ce sera bien. Mais Saint-Cloud serait mieux, plus beau, plus gai et plus sûr. Comme elle voudra. Je suis ravi qu’elle vienne. Je serai très heureux quand elle sera partie.

« Elle est très aimable, car elle veut l’être beaucoup. Elle a dit aux princes que, depuis longtemps, elle était décidée à mettre le pied sur un bâtiment français avant tout autre et à entrer dans le palais du Roi avant tout autre. Les récits de Sébastiani sur son gouvernement sont aussi bons que ceux de l’intérieur de la famille sur elle-même. Peel, Aberdeen et le duc de Wellington excellens, parlant de l’épreuve qu’ils viennent de faire de nous et de notre politique en Espagne comme d’un fait décisif ; Peel, parlant de moi en termes qui font dire à Sébastiani : — C’est un ami que vous avez là. »

Une autre question préoccupait aussi le Roi et son entourage.

« Le Roi ira-t-il en mer au-devant de la reine, pas loin, mais enfin en mer, en rade du Tréport ? Il le.veut et il a raison. On s’y oppose beaucoup autour de lui. On me demande de m’y opposer. La reine des Belges m’en a conjuré hier, On a l’esprit frappé des accidens. L’entrée du Tréport est difficile et il y a peu d’heures dans la journée où elle soit possible. Le Roi pourrait se trouver retenu dehors avec la reine Victoria. Les deux souverains