cela aux oreilles, d’ici au moment où je saurai la bonne nouvelle qu’elle est à Eu. Encore une fois adieu, et n’y allez pas. Adieu ! »
Lorsque ces recommandations parvinrent à Guizot, la reine Victoria venait d’arriver à Eu. Partie de Southampton le 28 août, accompagnée du prince Albert, son époux, et de son ministre des Affaires étrangères, lord Aberdeen, elle s’arrêtait, les jours suivans, dans divers ports anglais de la Manche et gagnait ensuite le Tréport. Elle y était attendue et le Roi se tenait prêt à se porter à sa rencontre aussitôt que son yacht serait signalé. Dans la soirée du 2 septembre, Guizot écrivait à la princesse de Liéven :
« Je rentre dans ma chambre. Vous aurez, vous seule, mes premiers mots de récit. Il, y a des choses auxquelles je sacrifierais de grand cœur le plaisir que je viens d’avoir. Il y en a, mais pas beaucoup. À cinq heures un quart, le canon nous a avertis que la reine était en vue. À cinq heures trois quarts, nous nous sommes embarqués, le Roi, les princes, lord Cowley, l’amiral de Mackau et moi, dans le canot royal, pour aller au-devant d’elle. Nous avons fait en mer un demi-mille. La plus belle mer, le plus beau ciel, la terre couverte de toute la population des environs. Nos six bâtimens sous voiles, bien pavoisés. Pavillons français et anglais saluèrent bruyamment, gaîment. Le canon couvrait à peine les cris des matelots. Nous avons abordé le yacht. Nous sommes montés. Le Roi ému, la reine aussi. Il l’a embrassée. Elle m’a dit :
— Je suis charmée de vous revoir ici.
« Elle est descendue avec le prince Albert dans le canot du Roi. À mesure que nous approchions du rivage, les saluts de voix et de canons redoublaient, s’animaient. Ceux de la terre s’y sont joints. La reine, en mettant le pied à terre, avait la figure la plus épanouie que je lui ai jamais vue ; de l’émotion, un peu de surprise, surtout un vif plaisir à être reçue de la sorte. Beaucoup d’embrassades et de shake hand dans la tente royale. Puis, les calèches et la route. Le God Save the Queen autant que de : Vive la reine ! Vive la reine d’Angleterre ! que de : Vive le Roi ! Rien n’y a manqué si ce n’est une porte du parc par laquelle le Roi voulait que l’on entrât et qui ne s’est pas trouvée commode pour huit chevaux. Il a fallu prendre la grande porte et raccourcir un peu la promenade. En arrivant, salut général des troupes dans la cour du château. Tout cet entourage anglais