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dont il détourne un peu le sens, taxe de sacrilège les vieillards qui convertissent leurs cheveux blancs en cheveux noirs. Renouvelant une métaphore familière aux rhéteurs de l’antiquité, il déclare que celui qui pare sa tète de couleurs fausses, ne saurait posséder une âme droite. Il condamne même l’habitude de se raser, pour des raisons trop longues à développer ici, et propose naturellement l’exemple des lions et des sangliers.

Tertullien, qui a écrit sur ou plutôt contre la toilette des femmes, produit des argumens à peu près semblables, dont quelques-uns ne seraient pas désavoués par un médecin moderne. À propos de perruques rousses, il fait appel au patriotisme des Romaines qui rougissent presque de leur nation et semblent regretter de n’avoir pas vu le jour en Gaule ou en Germanie. Comme Tertullien, et ainsi que nous l’avons dit au début de ce travail, saint Cyprien attribue’ au démon descendu sur la terre l’art de teindre les étoffes, d’ajuster en bijoux les pierres précieuses et l’or. Mais les modes ont changé depuis ses devanciers et, si la coutume de se noircir les yeux et de se teindre les cheveux en blond (crines flammeæ) règne toujours, le rouge, déjà nommément anathématisé par Tertullien, semble avoir pris sa place sur les joues à côté de la céruse.

Enfin le paganisme est terrassé. On pourrait croire que l’habitude de se peindre va complètement disparaître des mœurs. Il n’en est rien. Saint Basile, saint Jérôme, saint Jean Chrysostome, saint Grégoire de Nazianze luttent encore avec énergie contre les anciennes coutumes que les chrétiennes ne peuvent se résigner à abandonner ; elles mettent toujours du blanc sur toute leur face, du rouge sur leurs pommettes, enfin du noir aux sourcils, et, à ce dernier sujet, saint Basile compare le trait artificiel au croissant de la lune. Les lèvres ne sont pas oubliées dans la distribution du purpurissum, car saint Jean Chrysostome assimile la bouche d’une femme qui se peint à la gueule ensanglantée -d’une ourse. Plus modéré dans ses expressions, saint Grégoire se contente d’avertir ses lectrices que cette pratique ne les embellit nullement.


IV

On a remarqué depuis longtemps que la peau, après avoir été nettoyée au savon ou lavée à l’eau pure, redoute le contact de