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ne désavoueraient pas, mais ces recettes, souvent- très compliquées, ont moins pour but de farder le visage que d’en conserver la fraîcheur naturelle ou d’en faire disparaître les imperfections, par exemple les taches de rousseur… etc. Comme, à cette époque, les rapports de Montpellier avec l’Italie étaient faciles et fréquens, il est plus que probable que les ordonnances de Chauliac provenaient de la péninsule où les souvenirs de l’ars ornatrix s’étaient perpétués à travers les générations. Lorsque survient la Renaissance, le goût, ou pour mieux dire, la, passion de l’antiquité se manifeste jusque dans les cosmétiques : l’ars fucatrix fleurit de nouveau, mais perfectionné par l’expérience et par les notions techniques acquises durant plusieurs siècles.

Les dames italiennes, surtout celles appartenant à une corporation très nombreuse à Venise, s’appliquent force blanc et rouge, non seulement sur la face, mais sur la poitrine. Des peintres distingués, ainsi que Marinello de Venise, ne dédaignent point de disserter sur un art., après tout, assez voisin du leur, et d’illustres savans, comme Porta, déploient leur érudition sur le même objet. À une époque où l’Italie, par ses artistes, ses savans, ses poètes, marchait à la tête de la civilisation, il ne faut pas s’étonner que les habitudes italiennes s’implantent en France, du temps des derniers Valois, d’autant que les deux reines Catherine et Marie de Médicis sont les premières à prêcher d’exemple.

Bonnes ou mauvaises, ces coutumes se propagent avec fureur à la cour, à la ville, en province ensuite. Résultat : le XVIIe siècle fut l’âge d’or des parfumeurs. Tous les auteurs contemporains de Louis XIII et de Louis XIV, poètes, romanciers, anecdotiers, reviennent continuellement sur le sujet de l’emploi et de l’abus des pommades et du fard. Même sous le premier des deux règnes s’introduit un perfectionnement de coquetterie : la « mouche, » sorte de rondelle de velours ou de taffetas noir gommé que les dames se placent sur la figure. On nous apprend même qu’une phrase de défi d’un sermon de Bourdaloue prêchant contre le luxe et la toilette inspire l’idée d’en disposer sur la gorge. Il est visible qu’à cette époque où une dame de qualité ne sortait jamais sans préserver sa figure par un masque, la délicatesse du teint, que la mouche faisait ressortir, devait être parfaite. À la campagne, le masque garantissait aussi les châtelaines jalouses de préserver leurs traits des morsures du hâle et de se distinguer