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reçu lui-même à New-York et à Washington. Mais, comme on le voit, M. Roosevelt a le sentiment de la mesure : il s'est arrêté à temps.

Aujourd'hui que tout ce feu d'artifice est éteint, on peut se demander s'il en restera bientôt autre chose qu'un heureux souvenir. Il y a certainement beaucoup de sympathie pour l'Allemagne en Amérique, et rien n'est plus naturel si l'on songe au très grand nombre d'Amériscains qui sont d'origine et de race germaniques. Ils continuent de penser à leur ancienne patrie, et de l'aimer même à travers plusieurs générations. Mais les affaires sont les affaires, et ce n'est pas aux États-Unis qu'on risque de l'oublier. Les sentimens ont une place dans l'imagination de l'Amérique : ils n'en ont pas beaucoup dans son esprit pratique, ni dans sa conduite. Elle jouit vivement, comme il est naturel, de son succès auprès de l'Europe ; il n'y a pas de danger qu'elle perde la notion de ses intérêts personnels, et ces intérêts la mettent, non pas en conflit sans doute, mais en concurrence avec l'Allemagne sur plusieurs points du monde. Les belles fêtes qui viennent d'avoir lieu ne sont pas négligeables pour entretenir entre deux peuples des sentimens de bienveillance, aussi longtemps que rien n'y fait opposition ; elles ne sont pas un facteur bien important de leur politique. Miss Roosevelt en gardera un joli bracelet, avec le portrait de l'empereur Guillaume ; mais qui sait si, dans quelques années, il en restera autre chose ? Ces démonstrations n'ont d'ailleurs rien qui puisse nous déplaire, et c'est en toute cordialité que nous nous associons à ce qui arrive d'heureux à la grande République à laquelle nous rattachent tant de glorieux souvenirs.


La place nous manque pour parler de la crise politique que l'Italie traverse : au reste, elle n'en est pas encore tout à fait sortie. Le jour même de la rentrée du Parlement, le ministère a éprouvé un échec sensible, à propos de l'élection du président de la Chambre. Les conditions dans lesquelles son candidat, M. Villa, a été élu, ne lui permettaient pas d'accepter un mandat qu'il n'aurait pas rempli avec autorité. Les socialistes avaient présenté contre lui un candidat qui n'a eu qu'un petit nombre de voix ; mais cela suffisait pour marquer une rupture ; et les bulletins blancs ont été si nombreux qu'il a bien fallu tenir compte de cette manifestation. Le ministère a donné sa démission. Le roi Fa prié de la reprendre et il a bien fait, car il lui était impossible de trouver dans le vote de la Chambre une indication quelconque de sa politique. Ce vote à bulletins blancs n'exprimait que sa mauvaise humeur. Quelle en était l'origine ? Il faut bien