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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/539

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Méditerranée, » et, comme c’est matériellement impossible, on conçoit son découragement.

Pourquoi donc mutiler l’œuvre coloniale ? N’est-elle pas double ? N’est-il pas aussi intéressant de coloniser des peuples que des territoires ? Ne pouvons-nous prospérer qu’après avoir fait le vide autour de nous ? Notre civilisation est-elle donc plus incommunicable que ne fut autrefois la grecque ou la romaine ?

Tout fait espérer qu’il n’en est pas ainsi, et qu’une évolution nouvelle se prépare.


VI

Ce n’est guère qu’au XIXe siècle que les pouvoirs publics ont commencé à s’occuper des indigènes. Mais les missionnaires n’avaient pas attendu si longtemps pour s’intéresser à leur sort. Dès le lendemain des premières conquêtes, ils se mettent à l’œuvre. Ils marchent derrière les armées en tâchant de réparer les maux de la guerre. Quelquefois ils devancent le conquérant. Voilà donc des hommes qui n’obéissent ni à l’instinct belliqueux, ni aux préoccupations mercantiles, ni au désir de propager leur race au détriment des vaincus. Il semble que, par la religion, ils atteindront ce fond de l’a me humaine, qui nous échappe toujours. Ont-ils réussi ?

Dès le XVIe siècle, les missionnaires font les efforts les plus louables pour adoucir la condition des indigènes. Mais ils ne peuvent y parvenir qu’en les séparant complètement des Européens. Sous leur inspiration, le gouvernement met ces Indiens en tutelle et les parque dans des territoires d’où les Espagnols sont soigneusement exclus. Défense aux blancs et aux mulâtres de s’y fixer (1536). Défense aux marchands d’y séjourner plus de trois jours (1600). Bientôt ces règlemens ne suffisent plus. Le voisinage de l’Etat gêne les missions. Elles fondent des colonies religieuses complètement indépendantes. On connaît la fameuse expérience des Jésuites au Paraguay ; ce ne fut pas la seule. Les missions de Californie s’organisent sur le même plan, en 1772 et 1784. « Les efforts des moines qui dirigeaient ces missions tendaient à préserver leur troupeau de tout contact avec les Européens… Il était rare qu’on accordât aux commerçans et aux voyageurs la permission d’y résider plus d’une nuit. Le missionnaire… était le seul intermédiaire entre la mission et le monde