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séance des États Généraux, et leur offrit sa démission de la magistrature suprême, s’en remettant à leur justice pour la résolution à prendre[1]. La démission fut acceptée ; le sieur Fagel, greffier des États Généraux, zélé serviteur de Guillaume, se vit quinze jours plus tard élu Grand-Pensionnaire : et l’on put croire que le jeune prince, content d’un triomphe si complet, ne pousserait pas plus avant sa vengeance.

La journée n’était pas achevée, qu’il fallut changer d’opinion, et qu’un lâche attentat vint ternir la gloire du vainqueur. Que ce crime détestable ait été son œuvre directe ou qu’il l’ait seulement inspiré, il est au moins certain qu’il ne fit rien pour l’empêcher, rien pour en châtier les auteurs, et que lui seul en eut le bénéfice ; tous les efforts de ses panégyristes ne sauraient faire que le sang répandu n’imprime sur sa mémoire une tache ineffaçable. Ce fut, dans le premier moment, l’impression unanime des spectateurs du drame : « Ceux de la faction de M. de Witt sont dans une consternation épouvantable, mande Luxembourg à Louis XIV[2], et les autres ne laissent pas de trouver bien violentes les premières marques d’autorité que donne M. le prince d’Orange, que les gens du pays disent avoir fait faire sous main cette action. » La nouvelle parvint à Utrecht le surlendemain, 22 août ; Luxembourg, sur l’heure même, envoyait un exprès au Roi, pour lui annoncer l’événement qui allait modifier d’une manière si profonde la situation politique et la physionomie de la guerre. Son récit, celui de Stoppa, et certains documens conservés aux archives des Affaires étrangères, donnent les détails suivans sur la tragédie de La Haye[3].


IV

L’arrêt de bannissement qui condamnait Corneille de Witt lui enjoignait de sortir de La Haye et du territoire de Hollande dans le plus bref délai. C’est pourquoi le Grand-Pensionnaire, le jour même qu’il se vit remplacé dans son poste, se résolut d’aller

  1. Relation manuscrite de la mort des frères de Witt. Affaires étrangères. Correspondance de Hollande, supplément t. 5.
  2. Lettre du 22 août 1672.
  3. Lettres de Stoppa et de Luxembourg du 22 août 1672. — Manuscrit des Affaires étrangères, loc. cit. — Gazette de France de 1672, etc.