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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/627

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Son poids est formidable. Il faut, pour n’en être pas écrasé, beaucoup de taille et de force. Il y a 75 000 hommes, tant de cavalerie que d’infanterie, dans la garde, composée tout entière de gens dévoués corps et âme, sur lesquels le gouvernement peut absolument compter. Dans le nombre figurent un ou deux Théodoriens. Ceux-ci font de bons soldats quand il le faut, mais l’état militaire ne leur inspire aucun goût particulier, le maniement du fusil ne les tente pas, même quand il s’agit de chasse. Les fièvres peuvent venir gambader parmi les jeunes pousses de la pépinière, sans que personne s’avise de troubler leurs ébats. Cependant nous mangeons quelquefois à souper un râble bien rôti, arrosé de crème aigre ou relevé de confitures.


14 septembre.

L’inscription des élèves pour l’année scolaire a lieu aujourd’hui dimanche. Vers deux heures, une véritable foule s’est présentée ; il n’y avait pas là seulement les enfans de Théodorofka ; la renommée de l’école s’étendant très loin, ceux du voisinage sollicitaient en grand nombre la même faveur, et tous arrivaient accompagnés de leurs parens.

L’appariteur, un ancien écolier, très joli garçon d’une vingtaine d’années et déjà père de famille, introduit les candidats dans la grande classe où sont réunies, devant un bureau, la directrice de l’école, l’institutrice, la doctoresse et quelques autres dames. Tous vont s’asseoir sur les bancs d’un air à la fois important et timide. Deux ou trois fillettes, brunes, mignonnes et fines, font penser à de petites fellahs, avec leur mouchoir bleu foncé avançant sur le front, où il projette une ombre, et la verroterie qui s’entre-choque à leur cou.

Chaque enfant, l’un après l’autre, est appelé par son nom et, à mesure, on fait entrer les parens, restés jusque-là dans le vestibule. Garçons et filles sont priés d’abord de fournir la preuve qu’ils ont été vaccinés ; et, aussitôt, d’arracher leur chemise avec empressement, tout prêts à se déshabiller davantage si l’on n’y mettait bon ordre. C’est un défilé de petits torses maigres naturellement bruns et encore brunis par le hâle, tous sanctifiés d’ailleurs par des paquets de croix de cuivre et de médailles aux quelles les petites filles ajoutent l’ornement profane de plusieurs rangs de perles rouges ou bleues. La femme-docteur vérifie les marques du vaccin sur leurs bras menus, s’assure qu’ils n’ont ni