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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/633

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21 septembre.

Ce matin, à huit heures, les époux viennent, en tête de leur cortège nuptial, nous rendre visite. La noce n’a pas dormi et, devant la maison, se remet à danser infatigablement ; les vieilles femmes sont plus enragées que les jeunes, justement fières, du reste, de posséder les meilleures traditions chorégraphiques. La tête enveloppée de châles, les pieds nus, elles chantent en se trémoussant à la file, ou deux par deux, et elles battent des mains. Toujours l’équivalent de nos branles, de nos bourrées, ou encore de la tarentelle. Au milieu des danseurs s’agite le fameux drapeau rouge. Les trois musiciens, titubant et le nez cramoisi, s’escriment de l’archet comme ils le faisaient la veille, comme ils l’ont fait tout le long du chemin, et, pendant ce temps, les mariés entrent avec le garçon d’honneur, reconnaissable à l’essuie-main brodé qu’il porte en bandoulière. Ils exécutent, à partir du seuil, les trois saluts d’usage en touchant presque la terre de leurs fronts, puis présentent sur une assiette les gâteaux enveloppés de rubans rouges qu’il faut immédiatement attacher à son corsage. Dans l’assiette tombent quelques pièces d’argent et toute la noce est régalée de navilka, liqueur de cerise moins forte et moins dangereuse que l’eau-de-vie blanche. Baisemain respectueux, nouveaux prosternemens et départ en aussi bon ordre que le permet l’état des jambes et des esprits.

Les jours de noce, il arrive que tout le monde soit ivre, hommes et femmes, a, Théodorofka, malgré l’abstinence accoutumée. C’est par seaux que circule la vodka, dans les maisons qui se respectent. À cause de cela principalement, — sans parler des exigences du pope, — un mariage en Petite-Russie coûte cher.


24 septembre.

La première semaine de septembre vieux style, qui équivaut à la troisième de notre calendrier, tous les fermiers viennent apporter leur argent.

Hélène a l’habitude de recevoir dans le jardin. Amusant spectacle que celui de cette petite femme au jeune visage, assise sur une berceuse, avec cette rangée de solides gaillards devant elle, timides, la tête découverte, tortillant leur bonnet. Ils sont très ponctuels d’ordinaire, elle y tient expressément, voulant avant tout les former aux qualités qui leur manquent le plus, l’ordre,