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Pérou, racine vraie, et non pas du bois peint et verni. Ah ! vous venez de me prendre ce que j’avais de mieux dans ma vitrine. N’ayez pas de doute, non : pour la charnière, je sais bien quel laiton j’y ai employé. C’est dur ? Vous me faites rire ! C’est que c’est neuf. Et puis, je ne prends pas les gens à la gorge. Moi, toutes ces boîtes-là, je les donne à l’essai. Allez, mon illustrissime, dormez tranquille sur ma parole. Et, en tout cas, je suis toujours là. » Peu de temps après, l’acheteur rapporte sa boîte, dont la charnière est rompue. Le marchand est bien « toujours là ; » mais il ne veut rien entendre. « Ma foi, je ne me rappelle plus comment et quand je vous ai vendu la boîte… Pardi, je vois bien aussi qu’il y a quelque chose à la charnière. Mais qui sait quel coup le couvercle aura reçu ? On l’aura fait tomber par terre, et elle s’est brisée. La boîte était en bon état. Et puis, si on a des yeux, c’est le cas de les ouvrir quand on achète, mon beau fils. Le monde n’est pas fait pour les sots. Maintenant elle est cassée, oui : qui est-ce qui vous dit que non ? Mais moi, la marchandise, je ne la reprends pas une fois qu’elle est sortie de la boutique. »


La scatola era sana. Eppoi, chi a ll’occhi,
Quanno che ccrompa l’ha da upri, bber fijjo.
Er monno nun è ffatto pe’ li ssciocchi.
Mo è sfracassata, si : chi vve le nega ?
Ma io la marcanzia nu’ l’aripijjo
Una vorta ch’è usscita da bbottega.


Les Romains vivent beaucoup hors de chez eux, et il suffit d’errer dans les rues pour les rencontrer. Il n’en est pas ainsi de leurs femmes. Pour les connaître, il faut s’approcher du logis : la ménagère reste à la maison. Cependant il n’est pas besoin d’entrer pour l’entendre. Les commères babillent, disputent, jacassent et s’interpellent d’une fenêtre à l’autre. On échange des remèdes de bonnes femmes, des recettes superstitieuses ou des dévotions pour gagner au lotto, retrouver les objets perdus ou conjurer le mauvais œil, des contes de loups-garous, de revenans et de sorcières. On s’interroge sur le but de la prochaine promenade ; on s’accorde pour aller à deux ou trois visiter l’église où le Saint-Sacrement est exposé. L’une emprunte un corset, l’autre demande un peigne, une autre encore une marmite. « — Je n’en ai pas. — Ben, prêtez-moi donc un brin de