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obligatoire et prenne ses mesures pour former dans les écoles normales un nombre suffisant d’instituteurs parlant l’irlandais. À toutes les réclamations il oppose la force d’inertie, et cette force d’inertie pourrait bien un jour lui coûter cher, comme au board de l’enseignement secondaire son horreur de l’irlandais, car le mauvais vouloir de ces deux autorités a soulevé contre elles un violent mouvement d’hostilité auquel l’archevêque de Dublin, Mgr Walsh, a récemment mis le comble en démissionnant avec éclat de son siège au National board, dont il était, aux yeux de l’Irlande nationale, le seul représentant vraiment populaire. De toutes parts maintenant, on crie à l’abolition de ces Conseils antinationaux, irresponsables et autocratiques, assemblées d’amateurs dominées par l’esprit orangiste de Trinity College, qui comptent plus de juges, de clergymen et de bourgeois enrichis que d’hommes compétens : « Le peuple d’Irlande, s’écriait naguère un éminent écrivain, M. Edward Martyn, laissera-t-il la farce se jouer plus longtemps ? »

La guerre de langues sévit donc actuellement à l’état aigu en Irlande. De la Ligue ou de Trinity College, de l’anticeltisme ou de la renaissance gaélique, qui l’emportera en fin de compte ? La réponse n’est pas douteuse pour qui voit l’ardeur de la jeunesse à l’étude de la langue nationale, quand on sait, pour parler chiffres, qu’il y a eu, en 1900, 546 collégiens reçus à l’examen d’irlandais (enseignement secondaire) contre 273 seulement en 1889, et 2 256 ) enfans présentés à l’inspection pour l’irlandais (enseignement primaire) contre 826 seulement en 1889, c’est-à-dire qu’en dix ans, malgré les entraves, l’enseignement de l’irlandais a doublé d’importance dans les collèges et presque triplé dans les écoles primaires : voilà qui promet pour l’avenir.


IV

L’anticeltisme a d’ailleurs en Irlande un autre terrain de lutte : c’est celui de l’enseignement supérieur. Si étrange que semble pareille affirmation, on peut dire qu’à l’heure actuelle, il manque encore à l’Irlande un enseignement supérieur « national, » digne de ce nom, digne des traditions de « l’Ile des Saints et des Docteurs ; » et c’est là, par parenthèse, la meilleure explication à donner à ceux qu’étonneraient les progrès accomplis par l’œuvre d’anglicisation en Irlande depuis un demi-siècle. On