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d’Irlande ? Ainsi voit-on que les seules portes qui s’ouvrent en pratique aux jeunes hommes catholiques et nationaux, désireux de s’instruire, sont celles de l’excellente, mais très restreinte, Université catholique fondée il y a cinquante ans à Dublin par l’épiscopat irlandais, illustrée par Newman, florissante aujourd’hui, malheureusement privée de tout subside d’Etat, privée même du droit de conférer des grades, et qui n’a de place que pour deux cents étudians, dans une population catholique de plus de trois millions dames.

L’Irlande pourtant veut s’instruire, et s’instruire à son idée, non pas à celle de l’Angleterre. Elle demande que l’Etat « établisse, » selon l’expression anglaise, et soutienne, une Université qui ne soit ni antinationale, ni anticatholique, autrement dit une Université qui soit nationale et catholique au même titre et de la même manière que Trinity College est actuellement anglais et protestant. Quoi de plus juste que cette prétention ? Or, c’est à cette prétention que s’opposent avec la dernière énergie la plupart des représentans de Trinity College, par anticeltisme et « antipapisme, » peut-être aussi par crainte d’une concurrence éventuellement dangereuse, et, avec eux, les Orangistes et les Presbytériens, ceux-là par politique, ceux-ci par haine des catholiques. C’est de même contre cette prétention que protestent en Angleterre les radicaux, les membres de la Basse Eglise et des Eglises dissidentes, voire beaucoup d’anglicans high church, furieux à cette idée que l’Angleterre pourrait entretenir, fût-ce avec l’argent de l’Irlande, un établissement « qui serait dans la main de Rome ! » Chaque année, à la Chambre, on entend se formuler avec éloquence la réclamation du peuple d’Irlande, et chaque année, il faut le dire, si la majorité la rejette, il se trouve du moins, pour l’appuyer, des esprits libéraux, comme M. John Morley, qu’on ne suspectera pas de partialité pour les catholiques, comme M. Lecky, le propre député de Trinity College, comme le leader unioniste lui-même, M. Balfour, qui s’est fait en mainte occasion l’avocat d’une « Université irlandaise pour catholiques, » mais se sent trop mal soutenu sur ce point par ses collègues du ministère pour faire de la question une question de parti devant la Chambre. Je sais bien que, sur la demande du vice-roi d’Irlande, on a nommé, l’an dernier, une commission spéciale pour étudier à nouveau, en Irlande même, le problème déjà mille fois étudié ; mais Trinity College a su se