commença. C’était le troisième jour du froid ; la glace, soigneusement éprouvée, présentait toute sécurité : « Je ne m’embarquai, mande Luxembourg au Roi, que lorsque je sus qu’un escadron était demeuré posté plus de deux heures sur le plus profond des canaux de ce pays. » Les soldats se montraient joyeux, confians, d’un bel entrain : « Toutes les troupes de Hollande ne m’eussent pas arrêté, mande leur général à Condé[1], ayant avec moi un détachement de 8 000 hommes aussi bons qu’il y en ait au monde ! » Pourtant, dès cette première journée, apparurent de dangereux symptômes. Brusquement, dans l’après-midi, le vent sauta du nord au sud ; une neige serrée tomba, rendant la marche difficile. Malgré tout, vers quatre heures, on atteignit Woerden, et l’on y fit halte un moment. Mélac, envoyé sonder la solidité de la glace, rapporta, peu après, qu’elle semblait encore résistante ; et Luxembourg, en dépit d’inquiétans pronostics, se résolut à pousser l’aventure : « Je ne croyais pas, assure-t-il, que le dégel pût être assez violent pour m’empêcher de faire deux lieues sur l’inondation… Outre cela, je voulais profiter de l’absence du prince d’Orange ; et, sachant le siège de Charleroi levé, je voyais bien que je n’avais pas de temps à perdre. »
L’entreprise, dans ces circonstances, devenait, à vrai dire, quelque peu hasardeuse. Pour gagner Swammerdam, son premier objectif, en évitant la chaussée du Vieux-Rhin, et tourner, sans être aperçu, les autres postes hollandais, Luxembourg avait à franchir un vaste espace de terrains inondés, recouverts d’un plancher de glace où s’étendait maintenant une épaisse couche de neige. Si l’infanterie pouvait, à la rigueur, se lancer sur ce sol instable, il n’y fallait risquer ni canons ni chevaux ; et le dégel, pour peu qu’il s’accentuât, couperait la communication avec les troupes demeurées en réserve. Aussi le général en chef, avant de donner le signal, jugea-t-il nécessaire d’animer les soldats, de hausser leur courage au niveau d’une si rude besogne. Il assembla ses bataillons, leur adressa, dit un témoin, un bref discours « d’une force merveilleuse, » leur montrant le but à atteindre et le profit qu’ils en allaient tirer. De cette harangue improvisée, l’auteur de l’Advis fidèle prétend nous restituer, sinon le texte entier, tout au moins la péroraison : « Allez, mes enfans ; pillez, tuez, violez et brûlez, afin que je voie si je ne
- ↑ Luxembourg à Condé, 3 janvier 1673. — Archives de Chantilly.