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« entière » ou « passée au métier ; » les cheveux postiches sont tressés par petites mèches, et les tresses cousues sur une légère coiffe qui ne se distingue point. Succès fou du modèle à Paris d’abord, puis en province, enfin à l’étranger, en commençant par les laïques et en finissant par les membres du clergé. En 1682, inquiets de la vogue de Quentin, ses confrères lui octroient 30 000 livres pour le rachat de son privilège exclusif.

Au XVIIIe siècle, les perruques d’homme proviennent presque exclusivement de cheveux coupés sur des têtes féminines parce qu’ils sont plus moelleux que les cheveux d’homme. On lessive les cheveux avec des cendres pour les dégraisser ; on les fait sécher dans du son et on les cuit au four. Mais comme la frisure, pratiquée par l’artiste sur la tête à perruque avant que le client n’achève sa toilette, eût été peu solide, surtout les jours de pluie, on entremêle les cheveux de poils d’une rigidité plus accentuée, tels que crins de chevaux, de queue de bœuf, soies de porc, grâce auxquels la frisure se conserve mieux.

Les faux cheveux, — on l’a bien vu par les chiffres que nous avons déjà fournis, — grevaient d’une lourde charge le budget de toilette des hommes. Aussi divers inventeurs pensèrent faire fortune en lançant des types nouveaux de perruques économiques. On en fabriqua d’excellentes, paraît-il, en fil de fer ; mais les maîtres perruquiers, furieux de cette innovation qui les ruinait doublement parce que les nouvelles perruques duraient trop et qu’elles n’avaient pas besoin d’être refrisées, les maîtres perruquiers, disons-nous, profitant de ce que l’inventeur était étranger à leur corporation, lui intentèrent un procès qu’ils gagnèrent et firent interdire le commerce des perruques en fil de fer. Ils ne purent, par exemple, s’opposer à l’innovation, pour la toilette du matin, des perruques en peau de mouton importées d’Angleterre où tous les matelots en mettaient de semblables, plutôt comme coiffure de protection contre les intempéries et contre les coups de sabre dans les combats que comme ornement.

Quoique n’ayant pas, il s’en faut de beaucoup, épuisé l’histoire des cheveux postiches ; quoique aussi les détails curieux concernant l’état actuel de cette industrie ne fassent pas défaut, nous n’en dirons pas davantage sur ce sujet, pour des raisons déjà exposées. Mais il nous reste encore à étudier l’art d’améliorer le physique de l’homme de la manière la plus artificielle, la plus accentuée et aussi la plus transitoire.