Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 8.djvu/924

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On voit qu’au point de vue de l’illusion pour les spectateurs éloignés et de la santé des artistes, l’art de se maquiller à la scène a réalisé de grands progrès depuis un siècle. Est-il à souhaiter qu’il se perfectionne encore ? Peut-être que non ! Au fond, combien de critiques, lorgnant les interprètes pendant des représentations théâtrales se sont demandé à eux-mêmes si la scène ne gagnerait pas à la disparition presque complète de cet immonde barbouillage. Sans proposer l’exemple des villageois d’Oberammergau qui jouent la Passion en plein air en ne rien modifiant à leur physionomie naturelle, sans parler de supprimer tout à fait le blanc, le noir, le rouge, les perruques, sans adopter non plus certaines| opinions paradoxales de Théophile Gautier, ne pourrait-on suivre d’exemple des artistes dramatiques ou lyriques qui, comme Mme Duse, ont renoncé aux artifices de ce genre ?

L’illusion y gagnerait et si l’abolition de cet usage absurde et malpropre chassait de la scène du XXe siècle telle personnalité usée et vieillie, nous n’y verrions pas grand inconvénient pour notre part. Il faudrait seulement corriger l’éclairage actuel, ce qui ne nous semble pas impossible, et peut-être que dans bien des années nos petits-neveux s’étonneront rétrospectivement de notre répugnance à pratiquer cette innovation, comme nous-mêmes sommes surpris des difficultés qu’a soulevées, il y a un siècle, dans le monde théâtral, la question de la réforme du costume.


ANTOINE DE SAPORTA.