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REVUES ÉTRANGÈRES

DEUX NOUVELLES FRANCESCA DA RIMINI


Paolo and Francesca, a tragedy in four acts, par Stephen Phillips, Londres, 1901. Francesca da Rimini, tragedia, par Gabriel d’Annunzio. Milan, 1902.


« Ne touchons pas aux morts de Dante : ils feraient peur aux vivans ! » disait autrefois Ugo Foscolo à Silvio Pellico, qui lui parlait de son projet d’écrire une tragédie sur Francesca de Rimini. On sait d’ailleurs que, malgré le conseil de son ami, l’auteur de Mes Prisons écrivit sa tragédie, qu’il la fit jouer, qu’elle obtint, dans l’Italie entière, un énorme succès, et qu’elle eut même l’honneur d’être traduite en anglais par Byron, qui l’admirait fort. Mais, avec tout cela, Silvio Pellico semble bien avoir pensé, lui aussi, que la vue des « morts de Dante » risquait de « faire peur aux vivans » de son temps : car il n’a rien négligé pour adoucir à ses contemporains l’horreur tragique des amours, criminelles et sanglantes, de Paolo et de Francesca. Dans sa pièce, toute pleine de beaux vers et de beaux sentimens, le jeune couple meurt sans avoir pêche ; ce qui a certes pour effet de nous rendre sa mort plus attendrissante, mais ce qui, d’autre part, nous empêche absolument de reconnaître en lui le couple adultère rencontré par le vieux poète au séjour des damnés. Et je ne puis me défendre d’imaginer que, si la Francesca de Pellico avait porté un autre titre, qui n’eût pas aussi forcément évoqué le souvenir de l’incomparable vision de Dante, son succès aurait été plus vif encore, ou, en tout cas, aurait duré davantage. « Ne touchons pas aux morts de Dante ! » Ugo Foscolo avait, je crois, raison.

Bien d’autres poètes y ont touché, cependant, depuis le doux et