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c’est-à-dire à la double affirmation que l’organisme le plus compliqué est composé d’élémens microscopiques tous semblables, les cellules, véritables pierres de l’édifice vivant, et qu’il tire son origine d’une unique cellule, œuf ou spore, cellule sexuelle ou cellule de germination. Les phénomènes de la vie, envisagés chez l’individu formé, sont donc concertés dans t’espace ; de même que, envisagés dans l’individu en formation et dans l’espèce, ils sont enchaînés dans le temps. Ce concert et cet enchaînement sont, aux yeux de la plupart des savans, les traits les plus caractéristiques de l’être vivant. C’est là le domaine propre de la spécificité vitale, des forces de direction de Cl. Bernard et d’A. Gautier, des dominantes de Reinke. Il n’est pas certain, toutefois, que cet ordre de faits soit plus spécifique que l’autre. La génération et le développement ont été considérés par beaucoup de physiologistes, et en dernier lieu par F. Le Dantec, comme de simples aspects ou des modalités de la nutrition ou assimilation, propriété commune et fondamentale de toute cellule vivante.


Ce n’est cependant pas un mince progrès ni un avantage méprisable d’avoir éliminé les hypothèses vitalistes de presque tout le domaine de la physiologie actuelle, et de les avoir, en quelque sorte, refoulées dans son hinterland. C’est l’œuvre des savans de la première moitié du XIXe siècle et particulièrement de Claude Bernard qui a mérité, par là, les noms de fondateur ou de législateur de la physiologie. Ils ont rencontré, dans le vieil esprit médical, un adversaire obstiné, glorieux de ses stériles traditions. Vainement faisait-on observer que la force vitale ne pouvait être une cause efficiente ; qu’elle était un être de raison, un fantôme sans substance, qui s’introduit dans la marionnette anatomique et en fait mouvoir les fils, au gré de quiconque l’invoque : ses adeptes n’ayant qu’à lui conférer une nouvelle sorte d’activité pour rendre compte d’un acte nouveau. Tout cela avait été dit, avec la plus grande netteté, par Bonnet de Genève) et par beaucoup d’autres. On avait dit aussi que l’explication téléologique n’est pas moins vaine, puisqu’elle assigne au présent, qui existe, une cause inaccessible et évidemment inefficiente dans l’ultérieur, qui n’existe pas encore. Ces objections restaient impuissantes.

Aussi n’est-ce point par des argumens de théorie que le célèbre