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occuper plusieurs générations. Non : c’est incidemment que la question s’est posée. Ch. Behr a étudié avec un soin extrême les échanges gazeux qui s’accomplissent entre l’air et le sang dans le poumon. Le mélange gazeux et le liquide sanguin sont en présence : une membrane mince, mais formée de cellules vivantes les sépare. Cette membrane va-t-elle se comporter comme ferait une membrane inerte, dépourvue de vitalité ? On sait alors, d’après les lois de la diffusion gazeuse, comment les choses se passeront. Eh bien ! elles ne se passent point ainsi : les mesures les plus soigneuses, de pressions, de solubilités, ne laissent point de doute à cet égard. Les élémens vivans de la membrane pulmonaire interviennent donc pour troubler le phénomène physique. Les choses se passent comme si les gaz échangés étaient soumis non pas à une simple diffusion, fait physique, ayant ses règles ; mais à une véritable sécrétion, phénomène physiologique ou vital, obéissant à des règles, fixées aussi, mais différentes des premières.

D’autre part, Heidenhain était amené, vers le même temps, à des conclusions analogues en ce qui concerne les échanges liquides qui s’accomplissent dans l’intimité des tissus entre les liquides (lymphes) qui baignent extérieurement les vaisseaux sanguins et le sang que ceux-ci contiennent. Le phénomène est très important, puisqu’il est le prologue des actions de nutrition, et d’assimilation. — Ici encore, les deux facteurs de l’échange sont mis en relation à travers une paroi mince, celle du vaisseau sanguin. — Les lois physiques de la diffusion, de l’osmose et de la dialyse permettent de prévoir comment les choses se passeraient si la vitalité des élémens de la paroi n’intervenait point.

Heidenhain crut observer qu’elles s’accomplissaient autrement. Le passage des liquides est troublé par le fait que les élémens cellulaires sont vivans. Il prend les caractères d’un acte physiologique et non plus d’un fait physique. — Ajoutons que l’interprétation de ces expériences est difficile et qu’elle a donné lieu à des controverses qui durent encore.

Ces deux exemples, autour desquels il serait possible d’en grouper quelques autres, ont amené certains physiologistes à réduire l’importance des facteurs physiques dans le fonctionnement de l’être vivant, au profit des facteurs physiologiques. Il semblerait par là que la force vitale, pour employer une forme de langage un peu critiquable, soustrait, dans une certaine