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trouvent les principaux hôtels et les plus beaux magasins. Le trait caractéristique de Kiev est, avec le peu d’élévation de ses maisons, la succession rapide des montées et des descentes qui tient à ce qu’elle est, comme Rome, bâtie sur plusieurs collines. Les avenues, les places plantées d’arbres, les jardins publics distribuent partout des masses de feuillage ; d’élégans hôtels particuliers bordent les rues très larges si elles sont mal pavées. L’emploi dans la construction d’une brique blanche, fine et dure, est à peu près général, et cette blancheur des maisons souvent coiffées d’un toit peint en vert pâle contribue à la physionomie riante de la ville, séjour de luxe et de loisirs. Le commerce proprement dit est concentré en bas, dans le Podol. Il y faut aller chercher la fameuse Maison des Contrats où se concluaient autrefois les affaires de la foire annuelle de ce nom, restée l’une des plus considérables de la Russie pour les sucres. Mais ce que nous tenons à voir d’abord c’est la ville historique, celle qui porte sur chacune de ses pierres l’empreinte des temps primitifs. Novgorod et Kiev sont en effet, les deux majestueux témoins de l’époque où les Russes proprement dits, des Scandinaves, répondirent à l’appel des tribus slaves déjà puissantes, mais auxquelles manquait ce qui manque encore à la Russie : une bonne organisation. Elles le comprenaient, puisque les vieilles chroniques conservent les paroles adressées à Rurik et à ses frères : « Notre pays est grand et riche, mais l’ordre n’y existe pas ; venez et régnez sur nous. »

Le traité entre le fils de Rurik et l’empereur de Constantinople fut le prélude à l’introduction du christianisme chez les Slaves. Olga, femme d’Igor, ayant reçu le baptême, construisit en bois la première église. C’était une paysanne épousée par amour et qui parait avoir réuni en sa personne les mérites d’une sainte Clotilde et d’une Blanche de Castille. A elle, à Vladimir Ier, aux moines dont on vénère encore les reliques dans la « ville des Grottes, » vers laquelle nous nous dirigeons, est due la conversion de la Russie. Et la grande piété semée à cette époque reculée subsiste encore au plus profond des cœurs. Nous en avons la preuve au débarqué. Le long de la Nicolskaia défilent par groupes des paysans, hommes et femmes, portant les costumes variés des différentes provinces, pieds nus pour la plupart, l’air exténué. Venus souvent de très loin, ils profitent du repos que leur laisse la fin de la moisson pour accomplir un pèlerinage à