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les ministériels et les anti-ministériels, classification empirique et sommaire qui ne correspondait à aucun programme défini. Le ministère, en efifet, était une coalition hybride à laquelle une autre coalition a répondu. Produit de l’affaire Dreyfus, il aurait dû ne pas lui survivre : en le faisant, il a profondément faussé et sophistiqué la situation. Par la force des choses et par celle de l’habitude, on continue aujourd’hui de classer les élus en ministériels et en anti-ministériels, et on suppute la force respective des deux partis : mais quand le ministère aura disparu, on apercevra nettement ce qu’a d’artificiel un système de numération qui réduit les partis pohtiques à n’être plus qu’une chentèle personnelle, au grand détriment de leur autorité et un peu de leur honneur politique. L’entraînement des circonstances a poussé, parfois au hasard, ceux-ci dans un sens etceux-là dans l’autre. Le jour où, par suite de la retraite du ministère, chacun retrouvera sa liberté changera bien des choses. La Chambre nouvelle prendra alors conscience d’elle-même, et le moment sera venu où nous pourrons la mieux juger.


Le comte Goluchowski a prononcé devant les Délégations austrohongroises un discours qui a été l’objet d’une attention particulière. On se demandait ce qu’il dirait sur plusieurs points très importans. La Triple Alliance arrive, au mois de mai de l’année prochaine, à son terme naturel. Sera-t-elle renouvelée, et dans quelles conditions ? Qu’adviendra-t-il des traités de commerce, qui seront renouvelés eux aussi, mais après avoir été l’objet de modifications assez profondes ? Enfin que faut-il penser de la situation des Balkans ? Ces questions embrassent la poUtique européenne tout entière.

Le discours de l’Empereur et roi avait été remarquablement bref. Tout le monde l’a remarqué, et on en aurait conclu que la diplomatie austro-hongroise se croyait tenue en ce moment à une grande réserve, si le comte Goluchowski n’était pas venu, bientôt après, fournir la plupart des explications qu’on attendait de lui. Il est entré tout de suite dans son sujet en parlant de la Triple Alhance. « Les trois gouvernemens, a-t-il dit, ont échangé des assurances formelles au sujet de leur ferme intention de maintenir dans toute sa valeur le traité d’alhance existant, et de procéder en temps utile à la signature des actes y relatifs. » L’affirmation paraît catégorique : cependant on pourrait épiloguer sur le sens exact de l’expression que le traité sera maintenu « dans toute sa valeur. » Cela ne signifie pas nécessairement qu’il le sera dans son texte primitif. Mais il n’y a pas lieu d’insister