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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/518

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XI

Ce que voulait l’Empereur, ce qu’il a constamment voulu, du commencement à la fin de cette affaire, était d’une grande simplicité. Il croyait l’expédition mexicaine réglée par l’intronisation de Maximilien, celle de Rome définitivement close par la convention du 15 septembre ; il ne pouvait plus être question de la Pologne, ni du Danemark ; il avait pris son parti de l’appréhension des Duchés par la Prusse ; il ne se considérait plus comme obligé, pour terminer son œuvre internationale, qu’à une dernière lâche, la libération de la Vénétie.

S’il l’avait oubliée, les Italiens la lui eussent rappelée. Ils ne le laissaient pas respirer. Devant le palais de Fontainebleau, sur le grand étang, étaient diverses sortes d’embarcations. Nigra y fit arriver une gondole et, lui prêtant une voix, il chantait à l’Impératrice de petits vers attendris :

Donna, se a caso il placido
Tuo lago, a quando a quando,
Teco verra solcando
Il muto Imperator,
Digli che, in riva all’ Adria,
Povera, ignuda, esangue,
Geme Venezia e langue,
Ma vive — e aspetta ancora[1].

Le muet Empereur n’avait pas à être réveillé par la plainte de la gondole : il ne cessait de songer à la libération de Venise. Après l’échec du Congrès, modifiant son idée première d’une vente en cette d’un échange contre les Principautés danubiennes, il avait autorisé l’ancien ministre Pasolini à aller solliciter, à Londres, le concours des ministres anglais. Russell se montra favorable. Palmerston, au contraire, jugea inopportun d’empêcher, par une proposition de ce genre, le rapprochement qui s’opérait avec l’Autriche dans les questions danoises. D’ailleurs la France et l’Angleterre, fussent-elles d’accord, se seraient heurtées à un refus invincible de l’empereur d’Autriche. « Le voulût-il,

  1. « Dame, si parfois ton lac tranquille — berce avec toi — le muet Empereur, — dis-lui que, sur la rive adriatique, — pauvre, nue, exsangue, — gémit et languit Venise, — mais qu’elle vit et attend encore. »