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décembre 1862, le corps expéditionnaire du Mexique comptait 28 000 hommes, 5 845 chevaux, 549 mulets, 8 pièces de douze de siège, 6 pièces de douze de réserve, 24 pièces de quatre de campagne, 12 pièces de montagne ; en tout, 48 bouches à feu. Les pièces d’artillerie étaient approvisionnées à 623 coups par pièce. L’infanterie avait à consommer 12 882 711 cartouches, l’équivalent à peu près de ce qu’elle eût consommé en exercices à feu en temps de paix.

Les dépenses totales de l’expédition ont été de 300 millions ; ce chiffre n’avait pas encore été atteint en 1865, et il fallait en déduire ce que le corps expéditionnaire eût coûté à entretenir en France, à raison d’un million par an pour mille hommes. Ainsi le riche trésor de la France aurait été épuisé par une dépense de 300 millions ! 48 bouches à feu auraient vidé des arsenaux dans lesquels il y avait 10 944 canons, 2 546 canons obusiers, 3 671 obusiers, 3 513 mortiers en bronze, sans compter près de 3 000 canons en fer, 1 800 000 fusils, et de la poudre pour faire la guerre pendant dix ans[1] ! L’absence de 28 000 hommes aurait anéanti une armée pouvant réunir par l’appel de la réserve, en un mois, 450 000 hommes, défalcation faite des armées d’Italie et d’Afrique, nombre qui, en quelques semaines, pouvait s’élever à 600 000 !

Notre infanterie, il est vrai, n’était pas armée du fusil à aiguille ; mais, vigilant et attentif à ce qui se passait en, Prusse, le maréchal Randon avait chargé un attaché militaire très intelligent, M. de Clermont-Tonnerre, de suivre l’armée prussienne en Danemark et de se rendre compte de l’action du nouveau fusil. Cette arme, quoique adoptée en Prusse depuis 1849, n’avait pas été introduite dans les autres armées, à cause de ses nombreuses imperfections : complication du mécanisme, lourdeur, obturation très incomplète du tonnerre, portée efficace très faible, 400 mètres seulement. Nos fusils tiraient moins vite, mais avaient une valeur balistique bien supérieure ; la carabine des chasseurs,

  1. Compte général du matériel de la guerre pour 1866, approuvé par la Cour des Comptes et par les Chambres. — Mémoires du maréchal Randon, t. Il, p. 219 et suivans. — On n’a jamais opposé à ces documens incontestables que des dénégations sans autorité ou sans preuve, ou des bavardages plus ou moins bien rapportés et suspects d’officiers frondeurs, comme dans tous les temps il y en a eu beaucoup trop dans notre armée, tranchant à tort et à travers sur ce qu’ils ignorent.