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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/594

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autre genre de débauche. Le Temple, lieu privilégié dans Paris, où les débiteurs insolvables trouvaient un asile, où les artisans non reçus maîtres pouvaient travailler librement, était aussi le lieu de rendez-vous favori des libertins du temps, Chapelle, Chaulieu, La Fare, d’autres encore, qui cultivaient la paresse et chantaient la volupté. Leurs opinions philosophiques se résumaient dans ces quatre vers de Chaulieu :


La mort est simplement le terme de la vie.
De peines ni de biens elle n’est point suivie ;
C’est un asile sûr ; c’est la fin de nos maux.
C’est le commencement de l’éternel repos ;


et leur morale dans ceux où le même poète, tout abbé qu’il fût, se rit de ces faibles esprits qui


Font un crime à la nature
De l’usage des biens que lui fit son auteur,
Et dont la pieuse fureur
Ose traiter de chose impure
Le remède que la Nature
Offre à l’ardeur des passions
Quand d’une amoureuse piqûre
Nous sentons les émotions[1].


Vendôme faisait ouvertement partie de cette société, surtout depuis qu’ayant vendu à Louvois son hôtel et les terrains sur lesquels s’élèvent aujourd’hui les maisons de la place Vendôme, il demeurait toujours au Temple, quand il quittait Anet pour Paris. Il ne se cachait pas d’en partager les doctrines philosophiques et n’affectait point ces extérieurs de piété que commandait l’usage. Mais Louis XIV n’en témoignait aucun mécontentement. C’est tout au plus s’il se hasardait à lui reprocher de ne pas assister aux sermons du Père Séraphin, au moment où ce capucin, rival oublié de Bourdaloue, faisait fureur à la Cour, et il se contentait de sourire à cette réplique de Vendôme « qu’il ne sauroit aller entendre un homme dire tout ce qui lui plaisoit sans que personne eût la liberté de riposter. »

Enfin un dernier trait aurait dû inspirer à Louis XIV, toujours très soigné de sa personne et qui aimait l’élégance, une répulsion instinctive contre Vendôme. C’étaient ses habitudes de malpropreté repoussante dont on n’ose rapporter, même en

  1. Œuvres de Chaulieu. Édition de 1774, p. 16. Ode à la duchesse de Bouillon.