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j’en ai plus besoin que jamais. Unissez-les aux miennes, ou plutôt je les unirai aux vôtres ; car je sais qu’en pareil cas l’évêque est au-dessus du prince. Vous faites très sagement de ne point venir ici, et vous en pouvez juger par ce que je n’ai point été coucher à Cambrai. J’y aurois été assurément sans les raisons décisives qui m’en ont empoché. Sans cela, j’aurois été ravi de vous voir ici pendant le séjour que j’y fais, et de vous y entretenir sur beaucoup de matières, où vous auriez été plus capable que personne de m’éclaircir et de me donner conseil. Vous savez l’amitié que j’ai toujours eue pour vous, et que je vous ai rendu justice au milieu de tout ce dont on vous accusoit injustement. Soyez persuadé que rien ne sera capable de la diminuer, et qu’elle durera autant que ma vie[1]. »

Nous dirons comment Fénelon répondit à cet appel, et quels avis, tantôt affectueux, tantôt sévères, mais toujours judicieux, le Duc de Bourgogne ne cessa de recevoir de lui pendant toute la durée de la campagne qui allait s’ouvrir. Mais nous voyons déjà dans quelles dispositions d’esprit le Duc de Bourgogne partait en guerre, combien les questions théologiques continuaient de le préoccuper, et avec quelle humilité il mettait son espoir beaucoup plus dans ses prières que dans ses talens.

A Valenciennes, le Duc de Bourgogne avait retrouvé Vendôme, qui de Mons était venu au-devant de lui. Le Duc de Berry et le fils de Jacques II, qui se cachait sous le nom de chevalier de Saint-Georges, l’y rejoignirent. L’armée, dispersée dans ses quartiers d’hiver, était rassemblée le 23 ; le Duc de Bourgogne la passait en revue le 20, et, dit Dangeau, « il en fut fort content. » Le lendemain, elle s’ébranlait et entrait en campagne. Comme nous n’écrivons ici ni une histoire militaire, ni la vie d’un grand capitaine, nous n’en suivrons pas la marche jour par jour et pas à pas. Nous nous bornerons à mettre en lumière le rôle que le Duc de Bourgogne joua dans les opérations, et à dégager les incidens qui ne tardèrent pas à mettre en conflit les deux hommes dont nous avons décrit le caractère si opposé. Ce sera l’objet d’une très prochaine étude.


HAUSSONVILLE.

  1. Œuvres de Fénelon, édition de Saint-Sulpice, t. VII.