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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/623

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arrivant à Paris, payaient un tribut à cette fâcheuse alimentation.

Belgrand proposa de dériver par jour 86 000 mètres cubes d’eau tirée de la Somme-Soude et des sources voisines de cette petite rivière, qui débouche dans la Marne, sur sa rive gauche, en aval de Châlons. La limpidité, la pureté et la fraîcheur de cette eau sont remarquables. L’aqueduc projeté devait avoir 172 kilomètres, avec une pente totale de 26 mètres ; il devait aboutir à Paris à une altitude de 81 mètres, c’est-à-dire permettre de distribuer aux étages supérieurs des maisons de tous les quartiers cette excellente eau de source. La dépense, — qui semblait alors énorme, — était évaluée de 23 à 25 millions de francs. Depuis, on est heureusement devenu moins timoré, car plus de 375 millions de francs ont été consacrés à la dérivation des sources et à leur distribution.

Belgrand entendait réserver les eaux anciennes au service public : lavage et arrosage, et aux services industriels.

Afin de mieux faire sentir la portée de la transformation conçue, il faut dire que ces eaux anciennes, si défectueuses, manquaient sur nombre de points. L’eau de Seine, les eaux d’Arcueil, de Belleville et des Prés-Saint-Gervais ainsi que l’eau du puits artésien de Grenelle alimentaient les quartiers hauts de l’ancien Paris, c’est-à-dire, sur la rive droite de la Seine, la bande étroite de coteaux qui longe les boulevards extérieurs entre l’ancienne barrière de Charenton et le Trocadéro, et, sur la rive gauche, le coteau du boulevard de l’Hôpital, le plateau du Panthéon, le quartier du Luxembourg et l’étroite zone qui longe le boulevard Montparnasse, au-dessus de la rue de Vaugirard. Mais, dans beaucoup de maisons, l’eau ne pouvait s’élever au-dessus du niveau de la cour. La plupart des locaux des étages étaient uniquement desservis par les porteurs d’eau, généralement robustes enfans du Plateau central, qui traînaient dans les rues, le matin, de grands tonneaux montés sur deux roues, préalablement remplis à la Seine ou aux fontaines marchandes. Le prix habituel était de 0 fr. 10 la « voie » de deux seaux, que le modeste commerçant versait cérémonieusement dans les petites fontaines en grès, munies d’un rudimentaire filtre en pierre poreuse, dont devaient se contenter les infortunées ménagères d’une époque bien récente, mais qui semble à beaucoup de Parisiens lointaine et quasi fabuleuse.

L’annexion, en 1800, des communes comprises dans le mur