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de nos amis allemands. L’Empereur ni le gouvernement impérial ne peuvent eux-mêmes échapper à la séduction de semblables doctrines, qui flottent dans les rêves populaires comme l’idéal d’une politique éventuelle. L’allure heurtée de Guillaume II, ses contradictions perpétuelles représentent assez exactement les présentes perplexités de l’âme allemande : l’imagination pangermaniste entraîne la parole impériale, le sentiment de la réalité retient l’acte de l’Empereur. De son côté, la diplomatie s’applique bien à rejeter ouvertement une théorie compromettante, mais elle en favorise en sous-main la propagation et tend à poser, partout où faire se peut, les premiers fondemens du système pangermanique. C’est, au fond, la méthode panslaviste et le même double jeu, dont on fit naguère à la Russie un si grand grief.


IV

De toutes les parties du programme pangermanique, aucune n’a été mieux étudiée par les publicistes allemands, plus suivie par la politique impériale, ni plus avancée dans son exécution que la poussée orientale du germanisme. C’est en Autriche-Hongrie, dans les pays balkaniques et dans l’empire ottoman que commencent à apparaître, de façon distincte, sous la trame des États actuels, les contours déjà précis de la pangermanie future. Au reste, les circonstances lui furent, de ce côté, plus favorables que partout ailleurs. Ce fut, aussitôt après le traité de Berlin, la conclusion de l’alliance austro-allemande, qui créa dans l’Europe centrale, au profit du germanisme, un système compact à la fois politique et économique ; puis l’exaspération des querelles nationales, qui contribuèrent à paralyser le plus sérieux concurrent de l’empire allemand, en affaiblissant la force expansive de la monarchie austro-hongroise ; enfin, les crises multipliées qui secouèrent la Turquie et l’amenèrent à rechercher, en se livrant de plus en plus à l’Allemagne, une dernière garantie de son existence et de son intégrité.

Au moyen âge, lors de sa première poussée vers le Sud-Est, le germanisme s’était heurté à l’empire byzantin ; au XIIe siècle, sous les Comnènes, l’influence grecque disputait même la Hongrie à l’influence allemande ; mais la voie du Danube était ouverte au trafic, et, par elle, l’Allemagne commandait les communications