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Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 9.djvu/706

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caractère régulier et inoffensif. « Tous les phénomènes produits jusqu’à ce jour n’ont rien d’anormal. Ils sont identiques aux faits observés dans toutes les autres éruptions. »

Le lendemain, à huit heures du matin, une trombe de gaz portée à une haute température, accompagnée de fragmens de pierres brûlantes, anéantissait Saint-Pierre et l’incendiait en un instant.

Toutes les circonstances de ce phénomène, inattendu et sans précédent, devront être éclaircies par la suite. En attendant que des renseignemens suffisamment précis nous soient parvenus, nous devons nous borner à examiner quelques-unes des questions générales qui sont impliquées dans l’éruption des Antilles.


Nous avons trop de confiance dans la tranquillité de la nature qui nous entoure. Notre globe est vieux : nous croyons qu’il est devenu sage : bien plus, certains pensent qu’il l’a toujours été. Si les colossales surrections des montagnes, les précipices des hautes falaises côtières, les cônes volcaniques partout répandus, les plissemens et les contorsions des assises rocheuses, les transports de blocs glaciaires, les charriages des nappes de recouvrement, ont pu nous faire croire à sa jeunesse orageuse, nous nous plaisons à croire que l’âge a refroidi ses ardeurs. « Le fil des opérations de la nature est rompu, » disait Cuvier. Le travail détritique de l’érosion rabote, aplanit, égalise lentement et méthodiquement les reliefs montagneux et en répartit les matériaux dans le fond des vallées : d’un ancien golfe Adriatique il fait, par exemple, la plaine fertile de la Lombardie. Les falaises s’écroulent, les volcans s’éteignent. Il nous semble vraiment que la nature s’apaise et qu’un repos perpétuel ait remplacé pour jamais les crises et les convulsions que nous croyons avoir existé dans le passé. — Que, dans une petite ile des Antilles, un volcan vienne à s’allumer, — et voilà que l’incurable anxiété de l’avenir s’installe dans nos âmes.

Va-t-il donc falloir rouvrir ce livre des révolutions du globe dont Cuvier pensait avoir écrit le dernier chapitre ? Allons-nous en revenir à l’opinion de Woodward convaincu que la formation du relief terrestre avait été une affaire de quelques jours ? Avec L. de Buch admettra-t-on comme possible qu’un volcan tel que le Vésuve se soit soulevé d’un seul coup ? Élie de Beaumont l’a dit expressément de l’Etna ; et Arago a plutôt atténué qu’exagéré cette assertion en déclarant que la célèbre montagne avait dû pousser en une nuit comme un champignon. Mais à ces « catastrophistes » avait succédé l’école des « actions lentes, » l’école quiétiste de Ch. Lyell, pour employer un mot de M. de