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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin.


La nouvelle Chambre des députés s’est réunie le dimanche 1er juin, et a procédé tout de suite à la constitution de son bureau provisoire. Le scrutin pour l’élection du président devait servir aux partis à se compter : aussi s’agitait-on beaucoup par avance, comme si ce premier combat devait déterminer le sort de toute la campagne. Deux candidats étaient seuls en présence : M. Paul Deschanel pour les libéraux, M. Léon Bourgeois pour les radicaux. On s’étonnera sans doute que M. Brisson n’ait pas été au nombre des concurrens. Bien qu’il ait éprouvé quelques désagrémens au cours de la dernière campagne électorale, M. Brisson n’en était pas moins le candidat qui aurait le mieux représenté les revendications des gauches, et peut-être même le seul dont le succès aurait été un vrai triomphe pour son parti. M. Bourgeois est sans doute un radical bon teint : il ne laisse rien à désirer au point de vue des principes ; mais il y a dans cet homme aimable quelque chose qui ressemble à de l’indolence, presque à du scepticisme, et qui atténue, au moins dans la forme, la rigueur de ses opinions.

Rien de pareil chez M. Brisson ; mais c’est précisément pour cela qu’il a été, qu’on nous pardonne le mot, lâché par ses amis. À peine était-il revenu de Marseille à Paris, qu’on l’a entouré pour lui faire comprendre que sa candidature à la présidence de la Chambre serait inopportune : elle devait assurer l’élection de M. Deschanel. Voilà où quarante années de dévouement sans réserve à ses idées ont conduit M. Brisson ! Nous ne savons pas quelles ont été ses impressions ; il ne les a confiées à personne ; mais, s’il a pensé, dans le fond de son âme, qu’on se montrait cruellement ingrat à son égard, il n’a pas eu