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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/118

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Ainsi s’explique la facilité avec laquelle la retraite a été coupée aux partis de cavalerie allant à la découverte. Cette découverte ne peut rien voir avec les yeux. Elle peut dire qu’en arrivant dans une certaine zone elle a vu tomber ses hommes et ses chevaux. Mais quels étaient les points d’origine des balles ? Etaient-elles lancées par un rideau insignifiant, ou par de gros effectifs ?

Mise brutalement en face de ces faits, la cavalerie anglaise a été décontenancée. Elle n’a rien vu, parce qu’elle n’a trouvé que l’invisible ; elle n’a pas chargé, parce qu’elle ne pouvait charger l’inconnu ; elle a parfois capitulé parce que, dans son service d’exploration, elle se trouvait tout d’un coup entourée d’un cercle de fusils invisibles, et que ce cercle mystérieux, mais infranchissable à cheval, allait sans cesse en se rétrécissant.

On dira : Que nous importe ! Nous ne sommes pas destinés à nous mesurer avec des Boers. Nous n’avons donc pas à nous occuper de leurs procédés plus ou moins bizarres, mais bien de la tactique des armées européennes, qui est identique à la nôtre.

Les armées européennes, lorsqu’elles mettront des balles dans leurs nouveaux fusils, seront bien obligées de prendre, après les premières échauffourées, la tactique correspondant à ces fusils.

Ne chargerons-nous donc plus jamais ?

Oh ! que si : nous n’aurons pas toujours en face de nous des virtuoses du fusil dernier modèle. La même arme, mise entre les mains du Chinois, devient presque inoffensive, parce qu’elle ne vaut que par les qualités de celui qui la porte : adresse, instinct du terrain, endurance, initiative, courage, en deux mots haute valeur physique et morale.

Or, les armées européennes se rapprocheront tantôt du Chinois, tantôt du Boer : composées en grande partie d’hommes habitués à la ville, à des positions sédentaires, au bien-être familial, et dont les aptitudes physiques sont diminuées de tout ce qu’a gagné leur intellectualité, elles sont inexpérimentées, nerveuses, impressionnables, exaltées un jour, déprimées le lendemain.

Quand, à des indices qui ne trompent pas, vous sentirez le moral de vos ennemis tourner au Chinois, alors chargez : aucune arme, dans ce cas, ne vaut le cheval. Ainsi, quand, dans un défilement rapproché d’un front découvert que personne n’ose