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manifeste quelques-unes des idées qui sont soutenues tant bien que mal, depuis une dizaine d’années, par le critique littéraire du Temps. Comme la raison est parfois lente à s’imposer, je ne m’attendais pas à une si prompte réussite et je m’étais armé de patience. Je n’espérais pas vaincre si tôt. Je n’en éprouve que plus de joie à enregistrer cette victoire dont je reporte l’honneur à tous ceux qui ont bien voulu me comprendre et m’encourager. » Tels sont donc les deux parrains du nouvel humanisme. M. Gregh a plus d’impétuosité, plus d’allégresse, il est plus riche en métaphores : c’est le poète. M. Deschamps a plus de gravité, il est plus abondant en maximes, mieux pourvu de citations et de références : c’est le critique. Ils sont deux, c’est plus qu’il n’en faut. Et voilà comment on fonde une école.

Il suffit d’ailleurs qu’on accroche un écriteau à une porte : aussitôt de tous les pavés il sort un peuple de plaignans qui réclament leur bien. Cet écriteau doit être à nous ! S’il faut en croire M. Saint-Georges de Bouhélier, celui-ci aurait été le précurseur de M. Gregh, tandis qu’au dire de M. Gregh, il est lui-même le précurseur de M. de Bouhélier. Et si l’on s’en rapporte à M. Eugène Montfort le « naturisme » n’aurait été rien de moins que l’humanisme avant la lettre. Ces questions de priorité sont toujours délicates. Il ne nous appartient pas de les trancher. Nous ne sommes pour rien dans l’affaire, et nous laisserons donc à ces messieurs le soin de s’arranger entre eux.

Aussi bien, qu’on ne se méprenne pas sur le sens de nos remarques. Nous ne songeons guère à reprocher au nouvel humanisme d’être, comme l’ancien, un mot en isme. Nous ne croyons pas que les querelles d’écoles soient vaines, stériles et bonnes pour le divertissement des pédans. On prétend volontiers que manifestes, programmes, formules sont sans influence sur la direction du mouvement littéraire, qu’en art les révolutions se font toutes seules, que les œuvres naissent d’elles-mêmes par voie de génération spontanée, et que tout le travail de théorie est comme s’il n’était pas. Rien de plus faux, et l’histoire littéraire n’est que la série des démentis que les faits donnent à cette opinion généralement adoptée. Les querelles d’écoles sont pour les artistes ce que sont pour les savans les discussions sur la méthode, et l’on sait assez que dans l’ordre des sciences aucun progrès ne s’accomplit que par un changement dans la méthode. Elles portent sur l’objet de l’œuvre d’art et sur les moyens les plus propres à le réaliser. Elles éclairent le but, et partant elles facilitent et abrègent la route. Elles épargnent aux créateurs beaucoup d’hésitations et de tâtonnemens. Elles les renseignent sur les modifications qui se sont