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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/573

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une station de torpilleurs, qui y aurait son point d’appui, maîtriserait la navigation dans toute la Méditerranée orientale. La côte, avec ses falaises abruptes, offre peu de bons refuges ; mais, vers l’Ouest, Benghazi, qui n’est actuellement qu’une rade foraine, pourrait devenir très sûre si on la fermait par deux jetées. A l’Est, se creusent plusieurs baies magnifiques : Ras-el-Halal, l’ancien Nausathmos, offre un abri même aux bâtimens de fort tonnage. Le golfe de Bomba pénètre au loin dans les terres ; protégé des vents du Nord et de l’Ouest par de hautes collines, il présente un très bon et très profond mouillage, que l’amiral Gantheaume utilisa en 1808 ; Rohlfs, qui l’a visité, déclare qu’il pourrait devenir le meilleur port de guerre de toute l’Afrique septentrionale. Plus à l’Est encore, cachée derrière un promontoire rocheux, et garantie de tous les vents par le rebord du plateau de Marmarique, la baie de Tobrouk enfonce dans le littoral ses profondes indentations ; Schweinfürth, qui l’a vue en 1883, la déclare vaste, sûre, profonde et la compare à celle de La Val-lette et au lac de Bizerte. Une puissance militaire européenne, qui serait maîtresse de la Cyrénaïque, n’aurait donc que le choix pour établir, dans une position excellente, entre Bizerte, Malte, Messine et, d’autre part, l’Egypte et les échelles du Levant, un port de guerre de premier ordre. La nation qui le posséderait serait en mesure d’exercer une influence décisive sur les destinées de la Méditerranée orientale.


III

Où finissent les espaces déserts que les cartes attribuent à la Tripolitaine et que les traités reconnaissent à la Sublime Porte, il est difficile de le dire avec précision ; vers l’Est, les Turcs occupent effectivement l’oasis d’Aoudjila ; vers l’Ouest, entre le Sahara tripolitain et « l’arrière-pays » tunisien, aucune frontière n’a été tracée. Des garnisons ottomanes ont pris possession des oasis du Fezzan, de Rhadamès, Sinaoun, Derdj, et, plus au Sud, de Rhât ; « mais le pays ouvert, les points d’eau, les routes et les pâturages sont restés le domaine indivis de nos tribus tunisiennes, des Touareg et des bergers de Rhadamès et de Sinaoun, sans que jamais les Turcs aient pensé à y faire acte d’autorité[1]. » Au Sud du tropique du Cancer, la convention

  1. Commandant Rebillet, les Relations commerciales de la Tunisie avec le Sahara et le Soudan (1896). Nous avons réussi, en ces dernières années, à attirer de nouveau vers les marchés de la Tunisie quelques caravanes de Rhadamès, qui, depuis l’établissement de notre Protectorat, en avaient désappris le chemin.