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les deux oasis ; et, si nous consentions à les abandonner aux successeurs des Turcs, ce ne pourrait être que moyennant des compensations et, en tout cas, à la condition expresse que nous y conserverions le droit de passage, soit pour les caravanes de nos indigènes, soit pour le télégraphe, voire pour le chemin de fer, que nous voudrions, plus tard, y faire passer.

De Rhât, dernier poste occupé par les Turcs, les caravanes qui vont au Soudan continuent leur route au sud, s’élèvent sur les hauteurs du Tassili, longent le pied de l’Ahagyar, parviennent au massif de l’Aïr et, de là, en six jours, atteignent la steppe, c’est-à-dire sortent du désert. Zinder, que commande actuellement un poste français, le fort Cazemajou, est le point d’aboutissement de cette grande voie du désert, la ville où s’échangent les produits du Nord contre ceux du Soudan ; M. Foureau témoigne y avoir rencontré une douzaine de négocians tripolitains qui trafiquent avec le Bornou et les riches régions de la vallée de la Bénoué[1].

Telles sont les principales routes du désert qui conduisent à Tripoli ; si l’on y joint celle qui, de Benghazi, mène au Darfour et au Ouadaï, l’on aura énuméré toutes les voies par où le commerce africain peut parvenir aux ports des Syrtes.

En dépit des voyageurs, nous craignons qu’il ne subsiste encore beaucoup d’illusions sur la richesse des royaumes qui entourent le Tchad et sur l’importance des échanges qu’ils peuvent faire avec la Tripolitaine ou le Maghreb. La magie des légendes exerce son charme sur nos imaginations européennes ; les caravanes nous apparaissent multipliées, les ballots de marchandises prennent des proportions fantastiques ; l’éloignement produit dans nos esprits un phénomène de mirage comparable à celui qui, dans les plaines arides du désert, grandit les objets en les réfractant et qui donne à la moindre touffe d’herbe l’aspect d’un grand arbre et à la moindre pierre les dimensions d’un palais. La réalité paraît moins brillante. Tout le commerce transsaharien ne dépasserait pas, selon M. Schirmer, 9 millions de francs par an, et il ne se fait pas tout entier par la Tripolitaine. Le dernier rapport de M. Rais, consul de France, constate qu’en 1900, les échanges de Tripoli avec l’Afrique centrale ont été de 3 millions aux exportations de l’intérieur et de 2 millions et demi

  1. Sur Zinder, voyez le chapitre XI du livre de M. F. Foureau : D’Alger au Congo par le Tchad. 1 vol. in-8o illustré ; Masson, 1902.