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course, fixé à 1 fr. 50, avait plutôt diminué, — 1 fr. 50, en 1815, étant une somme inférieure à 1 livre 4 sous en 1787, — la première heure coûtait 2 fr. 25, les suivantes 1 fr. 75 ; mais, sale d’aspect et traîné par des chevaux misérables, il était la honte de Paris. Quant aux environs, ils ne communiquaient avec la capitale que par le « coucou, » dans les brancards duquel terminait sa carrière un animal, ironiquement surnommé Vigoureux, d’une force tout opposée aux efforts qu’on attendait de lui.

Le poids du véhicule s’élevait jusqu’à l’inconnu, les dimanches et fêtes, lorsque, aux huit personnes, assises sur les banquettes, ci-devant rembourrées, de ces étranges boîtes, s’ajoutaient, à côté du cocher, accroupis sur le tablier de tôle rabattu, des supplémentaires à qui leur posture fit donner le nom de « lapins, » tandis que d’autres voyageurs, les « singes, » grimpaient sur la toiture.

A côté des fiacres, lourds et lents, de l’époque, le cabriolet, léger et menu, allait si vite qu’il semblait fort dangereux. Il faisait aux piétons désolés le même effet que les automobiles d’à présent. « Si j’étais lieutenant de police, je supprimerais les cabriolets, » disait Louis XV lorsqu’il n’y en avait en circulation que deux ou trois cents. En 1830, où le signe enviable de l’aisance était d’avoir « cheval et cabriolet, » on en comptait plusieurs milliers, et l’autorité s’épuisait à réprimer, par des règlemens multiples, l’excès de leur rapidité. Leur vogue, ébranlée par l’apparition des « broughams » ou coupés modernes, par la concurrence des paniers, des calèches, des américaines, cessa vers la fin du règne de Louis-Philippe, et, lorsque fut fondée, en 1855, la « Compagnie impériale des voitures à Paris » le nom même des cabriolets ne figure plus dans l’énumération du matériel roulant.

Administrée par « les Messageries Caillard et compagnie, » la nouvelle société fut d’abord investie d’un monopole, auquel elle renonça en 1866, moyennant une indemnité annuelle. Mais, durant la période où elle concentra en ses mains la presque totalité des voitures de place, cette puissante entreprise en avait amélioré le type, la tenue et la traction. Son rôle et son influence demeurèrent prépondérans, sous le régime de liberté absolue, puisqu’elle seule posséda, jusqu’à 1872, près de la moitié des fiacres en circulation dans les rues de Paris : 3 000 sur 6 400.