Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 13.djvu/601

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

D’où viennent-ils ? Il n’est guère de profession plus mêlée ; la plupart de ceux qui l’exercent ne l’ont pas embrassée de prime abord, à leur début dans la vie. Presque tous en avaient d’abord tenté quelque autre : le légende veut qu’il s’y rencontre des déclassés de la bourgeoisie, des sous-préfets, des notaires, d’anciens prêtres, des professeurs, des poètes, voire l’ambassadeur d’une république sud-américaine. Antécédens difficiles à vérifier ; les intéressés, déchus, ne s’en vantent pas. Sur les 4 000 automédons dont la situation antérieure nous est connue, il se trouve une trentaine de noms d’apparence nobiliaire, un ex-frère des écoles chrétiennes, 2 instituteurs, 3 négocians ou entrepreneurs, une soixantaine d’employés d’administration ou de commerce, une douzaine de gardiens de la paix, douaniers ou gendarmes. La presque-totalité provient de métiers manuels : 700 ouvriers de l’alimentation, 350 du bâtiment, des métaux ou des tissus, 1 400 domestiques, dont beaucoup anciens cochers de maîtres. Mais tous les corps d’état sont, peu ou prou, représentés : machinistes et marins, marchands d’habits et porteurs aux pompes funèbres, bijoutiers, commis voyageurs, camelots et garçons de recettes. Un des plus forts élémens est fourni par les campagnards, au nombre de 1 300 ; mais ce contingent est instable : ce sont les « saisonniers, » qui viennent chaque année conduire un fiacre à Paris, pendant les mois de loisir que leur laissent les travaux des champs. Les Savoyards, les Limousins, arrivent en octobre et repartent à fin mai ; quelques-uns restent jusqu’au Grand Prix. Les Auvergnats passent, les uns l’hiver, d’autres le printemps, dans la capitale. Les Italiens, au nombre de 200, y passent toute l’année, sauf deux mois d’été pendant lesquels ils retournent au pays.

Les étrangers, au reste, sauf les Belges et les Suisses, ne forment dans cette corporation qu’un groupe infime, quoique de nationalités multiples : 3 Autrichiens, 2 Espagnols, 1 Brésilien, 2 citoyens des Etats-Unis et 2 Égyptiens. Les Parisiens y sont en très petite minorité : 300 à peine, tandis que les Alsaciens-Lorrains sont 150. La Savoie, l’Auvergne et le Limousin fournissent à eux seuls 1900 sujets, contre 1400 originaires de tous les autres départemens.

Ainsi recruté un peu partout, le cocher de Paris ne constitue pas un type homogène ; il n’a guère de physionomie propre, bien qu’on lui en prête une, conventionnelle. Il passe pour