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correspondances, un certain nombre étaient utilisées par des personnes qui profitaient du changement de voitures pour faire à pied une course ou une visite dans le voisinage du bureau, avant de prendre place dans un nouvel omnibus ; ou qui même, leur affaire terminée, se faisaient rapatrier, par une ligne à peu près parallèle à la première, vers un quartier voisin de leur point de départ. Elle a, pour déjouer ce qu’elle estimait, — à tort ou à raison, — une fraude à son préjudice, multiplié les formalités en timbrant soigneusement, sur les tickets, l’heure approximative de leur émission. Peut-être eût-il été plus adroit de faire tout le contraire et d’assimiler la correspondance à un billet de retour facultatif. Mais cette administration, en poursuivant une tolérance qui lui semblait diminuer ses recettes, ne s’était pas aperçue, jusqu’ici, que ses intérêts souffraient bien davantage de la perte infligée par ce mécanisme vieilli, tel qu’il est pratiqué dans notre capitale : personnel excessif, kilomètres inutiles, heures perdues.

Le coût exagéré de l’exploitation, provenant du défaut de plasticité, n’est pas uniquement imputable à la Compagnie, parce qu’en face d’elle se dressait une municipalité rigide, talonnée par des corps élus, dénués d’intelligence commerciale. Mais aujourd’hui, menacée de ruine par son « monopole » qui n’est plus qu’un mot, elle serait sans excuse de ne pas prendre ses coudées franches, comme un industriel indépendant, en bravant les foudres officielles.

Lorsque le public se plaint de ne pas trouver de place, la Compagnie répond que, sur 97 lignes en service, 61 seulement sont en gain et 36 en perte. Les premières rapportent de 1 million de francs pour « Madeleine-Bastille, » ou de 793 000 francs pour « Bastille-Porte-Clignancourt, » à 14 000 francs pour « Belle-ville-Louvre, » ou même à 6 000 francs pour « Square-Montholon-Rue de la Tombe-Issoire. » Leur bénéfice doit compenser le déficit des secondes, qui coûtent de 3 et 4 000 francs par an, comme « Vaugirard-Bourse, » jusqu’à 300 000 francs comme « Louvre-Vincennes. » Mais ce calcul de gains et de pertes suppose une dépense journalière moyenne de 100 francs par omnibus, qui serait facile à réduire sous un régime de liberté. Il est des lignes, bondées le dimanche, qui ne font rien durant la semaine, et réciproquement. La Compagnie ne peut, dit-elle, obtenir de les déplacer ; elle n’a qu’à le faire de son autorité propre.