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Pâques. Mon petit George est un charmant enfant. Sans lui, il me semblerait n’avoir pas d’enfans, tellement je suis séparée des autres. Mon mari s’occupe beaucoup et sort peu dans le monde. J’y vais par devoir et assez par plaisir. J’aime assez le mouvement et le bavardage. »

C’est la première fois qu’elle en fait l’aveu. Il semblait jusqu’à ce jour qu’elle considérât comme une corvée les obligations et les devoirs de sa vie officielle. Mais, peu à peu, elle y a pris goût. Ses fréquentations avec Wellington, l’influence de Metternich, un contact de plus en plus intime avec les diplomates et les gens de cour, ont contribué à ouvrir définitivement son esprit aux affaires publiques, à l’initier à beaucoup de choses, qui étaient antérieurement pour elle comme un livre fermé, et à imprimer à ses facultés une direction dont, désormais, elles ne se désintéresseront plus.


III

A la fin de l’été de 1822, le comte de Liéven ayant été délégué par sa cour pour assister au Congrès qui devait se réunir à Vérone, l’ambassadrice le suivit : « Nous partons sous deux jours. Notre absence d’Angleterre ne sera pas longue ; elle dépendra sans doute de celle du duc de Wellington[1] ; il part demain pour le Congrès. Ce Congrès s’impatientera un peu de ses retards. Une maladie très grave l’a retenu jusqu’aujourd’hui. Les nouveaux arrangemens ministériels l’eussent en tous cas empêché de partir. Ce n’est qu’aujourd’hui que M. Canning a été nommé en remplacement de lord Londonderry… Paul retourne à Paris pour y faire son droit et un peu d’économie politique. Nous sommes fort contens de ses progrès. Mon petit George, que j’adore, restera à Brighton pendant notre absence. Il y aurait eu des risques à le faire voyager aussi vite et aussi loin dans l’arrière-saison. J’accompagne mon mari en grande partie parce que cela épargne les frais de mon séjour d’Angleterre ; c’est une double dépense à laquelle nos finances ne sauraient suffire. »

Le 23 octobre, elle était à Vérone ou, comme à Aix-la-Chapelle, quatre ans avant, elle trouvait « toute l’Europe réunie ; » les empereurs de Russie et d’Autriche, le roi de Naples, le roi

  1. Il avait été désigné comme ministre plénipotentiaire au Congrès.