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conditions de milieu identiques, se modifie au cours de l’existence. Elle devient tributaire du temps : elle décrit une trajectoire déclinante ; elle a une évolution, une caducité et une mort. La condition fondamentale de la jeunesse invariable et de l’immortalité fait, ainsi, défaut chez tous les métazoaires. Chez tous, les tares vitales s’accumulent par insuffisance ou imperfection de l’absorption ou de l’excrétion nutritives : la vie déchoit, l’organisme s’altère progressivement et ainsi se trouve constitué un état de décrépitude par atrophie ou modification chimique, qui est la sénescence et aboutit à la mort.

Il faut ajouter, cependant, — comme un enseignement fourni par l’expérience, en général, et en particulier par celles de Lœb, de Calkins et de Loisel, — qu’un faible changement du milieu, amené à propos, est capable de rétablir l’équilibre et de procurer à l’infusoire un rajeunissement complet. La sénescence n’a donc pas, ici, un caractère définitif, non plus qu’intrinsèque : une modification dans la composition du milieu alimentaire en a raison. S’il est permis de généraliser ce résultat, on pourra dire que la sénescence, la trajectoire déclinante, l’évolution se dégradant jusqu’à la mort, ne sont point, pour les cellules considérées isolément, une fatalité profondément inscrite dans l’organisation et une conséquence rigoureuse de la vie elle-même. Elles conservent un caractère accidentel. Il n’y a pas, à la sénescence et à la mort, de cause interne vraiment naturelle, inexorable et irrémissible, comme l’ont prétendu autrefois Jean Müller, et, plus récemment, Cohnheim en Allemagne et Sedgwick, Minot en Angleterre.

Quant aux cellules, aux protophytes et aux protozoaires qui sont moins différenciés, qui sont situés à un degré de l’échelle inférieur à celui des infusoires, il faut admettre, chez eux, la possibilité de l’équilibre parfait et soutenu qui les soustrait à la décrépitude sénile. Mais il est bien entendu que ce privilège resté subordonné à la constance parfaite du milieu approprié. Si celui-ci vient à changer, l’équilibre est rompu, les petites perturbations insensibles de la nutrition s’accumulent, l’activité vitale déchoit, et, par suite de la seule imperfection des conditions extrinsèques ou de milieu, l’être vivant se trouve encore traîné à la déchéance et à la mort.